Forsaken light, broken mind [Jezabel & Ati]

Elle parle et sa voix a un effet immensément apaisant sur moi. Je n'ai qu'à peine conscience des mots qu'elle prononce, seulement concentrée sur son intonation, sur les sonorités souvent douces, parfois abruptes. Le tout forme une mélodie harmonieuse à laquelle je m'accroche intensément. Cela me garde à flot un moment, avant que sa question finale ne me frappe de plein fouet. L'accalmie ne fut que de courte durée ; la tempête reprend de plus belle et m'emporte.

Le silence qui s'en suit parle de lui-même, me semble-t-il. Qui suis-je ? Je l'ignore. Je suis le vide ou le néant. Je suis l'ombre. Je suis... Je ne suis plus. Je me force à inspirer profondément, à calmer mon cœur qui se déchaîne dans ma poitrine. Qui suis-je ? répète cette voix en moi - n'est-ce pas celle de ma mère ? Qui suis-je ? Suis-je seulement ? Oui. Allons bon, commençons par le commencement. Cela m'aidera certainement à y voir plus clair, au travers de ce brouillard obscur qu'est mon existence.

- Je suis... Jezabel Léonore Alvarez, première du nom. Capitaine du Némésis. Mère de Jayn, de Jillian et de Jaeven Alvarez. Fille d'Erszébeth Alvarez et d'Antonio di Rozas, et héritière de Lizbeth et Léonore Alvarez murmuré-je finalement.

Oui, je suis.

- Qui est-ce que tu es pour toi… ?

J’ai bien entendu son silence, et la liste qui a suivi. Et ce n’est pas une réponse. Je la refuse, voilà, j’ai le droit et je le fais. Je re-fu-se qu’elle ne soit qu’au travers des autres. Tant pis si c’est cruel, comme question. Tant pis si ça l’ennuie et qu’elle se tait encore, j’ai déjà trop mis les pieds dans le plat pour m’arrêter en chemin.

- Pour toi, juste pour toi… Qui est-ce que tu es, très chère ?

Sa question me trouble encore davantage. Que veut-elle dire ? N'ai-je point répondu à sa question ? Il semblerait que non. Je sens mon cœur se serré dans ma poitrine. L'impression de suffoquer arrive à son tour, et je lutte. Je lutte contre moi-même, je lutte contre mes démons qui sont bien trop nombreux, je le sais. Ils finiront par m'avoir ; il s'agit-là d'une évidence que je ne saurais nier.

- Je l'ignore, je...

L'air me manque et je bascule dans le vide. Pourtant, je suis toujours là. Assise, accrochée à elle, emmitouflée dans les couvertures. Je suis toujours là, mais je ne le suis plus tout à la fois. Que suis-je pour moi ? Qui suis-je réellement ? J'inspire, tâchant de remplir mes poumons avec l'air que je ne sens plus guère autour de moi.

- Je suis... Je suis une femme. Une femme qui aime la beauté et la grandeur. Une femme qui cherche l'amour et la tendresse. Je suis une Capitaine, une combattante. Je suis ce que le monde a en horreur. Une meurtrière, qui prend souvent plaisir à faire couler le sang. Je suis l'ombre de ma mère, et une mère qui se veut aimante sans savoir comment cela est possible.

Je n'ai que peu réfléchis à mes mots, et ma dernière phrase coule d'elle-même, d'une évidence aussi pure qu'un cœur d'enfant. Un unique souffle.

- Je suis ma mère.

- Non. Non, non, non, tu n’es pas ta mère, très chère. Non.

Je voudrais qu’elle me regarde. Je voudrais bien voir son visage, savoir mieux comment elle se sent, ce qui lui passe par la tête. Je voudrais pouvoir tout démonter là dedans et tout remettre bien droit mais ce n’est pas mon travail, pas mon projet, et je ne suis pas du tout taillée pour ça. Je suis une infiltratrice. Une hackeuse. Pas un médecin.
Et du coup je ne sais pas quoi dire.
Bravo Ati, t’es utile. Tu fais n’importe quoi et après quand ça te revient sur le coin du nez, tu as l’air stupide. J’ai parfois envie de pouvoir me mettre des claques.

- Elle peut avoir essayé de te faire comme elle mais tu es ta propre personne. Tout au fond, sous tout ce qu’elle a fait, tu es encore toi. Il faut que tu y croies. Si tu cherches, tu dois pouvoir te trouver. J’en suis sûre.

Je suis bel et bien consciente des efforts qu'Artemisia effectue. Elle fait tout ce qui est en son pouvoir afin de me sauver, je le sens. Certainement que j'aurais d'ores et déjà sombré si elle n'était pas à mes côtés. Il s'agit même là d'une certitude tout à fait inébranlable, contre laquelle je ne saurais lutter d'aucune manière. Pour autant, je demeure persuadée que quelle que soit la façon dont ma mère a souhaité agir sur moi afin de me forger, elle y est bel et bien parvenue. Aujourd'hui, peut-être est-ce simplement trop tard. Peut-être dois-je accepter cette vérité-ci ; peut-être dois-je cesser de lutter. Je n'en dis rien à Artemisia ; pas davantage que je lui dis à quel point je suis persuadée que ma fin est proche - puisque telle est la malédiction de notre famille. Je me tourne très légèrement en sa direction, afin de pouvoir la regarder dans les yeux. Mes doigts effleurent sa joue.

- Je vais tâcher de me trouver, en ce cas, soufflé-je.

Je ne m'appuie pas contre ses doigts lorsqu'elle m'effleure mais ce n'est pas parce que je boude. C'est parce que j'essaie de lire son visage. Je cherche un bout de… Je ne sais pas quoi en fait. Quelque chose que je ne connais pas et que je ne trouve donc pas.
Est-ce que vous vous rendez compte d'à quel point c'est frustrant pour moi, de ne rien trouver ? Je suis informatrice, entre autres trucs. Trouver est mon métier. Là je me sens comme devant un mur sans portes ni fenêtres et c'est très étrange, mais peut-être qu'il n'y a rien à chercher. Que Léonore est calmée.

- Je sais que tu y arriveras.

Je pousse ses cheveux de devant son visage pour les mettre derrière ses oreilles.

- Si une bête femme au foyer comme moi a pu le faire, je ne doute pas que tu le puisses aussi, même si c'est plus compliqué, ta situation. Je sais que tu es forte.

Je ne doute pas, non, qu’elle puisse s’en sortir. Elle a dû affronter bien pire qu’une crise existentielle.

Peut-être possède-t-elle suffisamment de certitudes pour elle et moi réunies. Je l'ignore, et je n'ai plus aucune envie de songer à cela en cet instant. Ma tête est douloureuse, à l'instar de mon âme. Je sens encore mon esprit embrumé par l'alcool. Cela m'empêche de réfléchir avec ma vivacité usuelle. Peut-être était-ce ce que je souhaitais ; mais j'ai à nouveau suffisamment de lucidité pour que cela soit vain.

- Tu es beaucoup de choses ; cependant, tu es fort loin d'être une bête femme au foyer, Artemisia. Et je ne puis croire que tu le fus un jour. Tu es bien davantage.

Mon regard l'effleure, la caresse, la détaille. Il est vrai qu'elle possède nombre de qualités que j'apprécie tout à fait. Et il est tout aussi vrai que la bêtise et la simplicité ne font nullement partie des défauts qu'elle peut avoir. Pas la Artemisia qu'il m'est donné de connaître, pour ce que cela vaut. Mes doigts s'appuient sur sa joue, se glisse derrière sa nuque, et avec lenteur, j'approche mes lèvres des siennes.

- C’est gentil, ça.

Mais c’est faux. Moi je le sais, j’étais là. J’étais la femme au foyer qui faisait des petits plats et nettoyait la maison et attendait le retour d’un mari qui venait une fois tous les je-ne-sais-plus-combien. J’étais simple et je n’avais rien de celle que je suis maintenant.
Quand je pense à cette enfant qui a été moi, j’ai envie de la prendre dans mes bras et de lui dire que la vie va être dure mais qu’elle ira bien. Qu’elle n’a pas à arrêter d’exister pour Sebastian, qu’il y a d’autres choses dans l’existence, que l’univers est vaste et les possibilités infinies. Je ne sais pas ce qu’elle voudrait me dire, à moi. Ce qu’elle penserait en me voyant. Peut-être que je suis une mauvaise herbe parce que je n’ai plus rien de la parfaite petite femme de l’Impérium.
La preuve : je laisse Léonore m’embrasser. Je réponds à ses gestes même, accote ma main sur sa joue, presse un peu vers l’avant pour ne pas être simplement spectatrice du moment. On ne va pas se mentir : c’est pas la passion torride là dedans. C’est plus doux qu’autre chose, un peu timide parce que je ne sais pas trop ce qu’elle veut et encore moins ce dont moi, j’ai envie. J’ai qu’à attendre de voir les intentions de ma belle dame et me décider quand je saurais.

J'ignore si mes paroles sont gentilles ; je n'ai simplement nul désir de percevoir Artemisia autrement qu'ainsi. Une femme forte et pleine de ressources, bien loin de la potiche qui s'est amourachée d'un homme qui la contrôle comme il le désire. Je crois simplement que je n'ai guère envie de briser l'image que j'ai de la grande femme. Cela m'ennuierait certainement bien trop.

Notre baiser a un goût salé. Ce sont les miennes, de larmes. Je le sais bien. Cela ne m'importe nullement. Elle a assisté à pire que cela cette nuit, et je n'aurais le temps de le regretter que lorsque le jour se lèvera à nouveau et que mes maux de crânes auront remplacé l'agréable brume alcoolisée qui m'entoure tel un cocon.

Mes doigts glissent le long de son corps, s'accrochent à la peau nue de ses hanches et de son dos, en une caresse dont je n'ai qu'à peine conscience. Je suis ailleurs, absente ; très loin de mon corps et peut-être bien très loin de mon esprit aussi. Je flotte et cela n'a rien de désagréable, bien au contraire. Cette légèreté soudaine et l'engourdissement de mon être m'offrent la sensation d'être libérée d'un poids qui pèse usuellement trop lourdement sur mes épaules.

D’accord, alors on fait ça : des mains qui caressent et des larmes. Du doux-amer et du cotonneux.
J’ai envie de dire que ça me va. J’ai vraiment envie.
Mais non. Enfin si, enfin non, enfin c’est un peu confus et parce que je ne suis pas certaine d’être vraiment partante pour le sexe de la déprime, je m’arrange pour me glisser plus contre le flanc de Léonore et la prendre dans mes bras beaucoup plus platoniquement. Ca m'ennuierait d’être le coup du “ça va mal” et qu’elle regrette après coup. Ou que ça la fasse aller moins bien encore.

- Tu es sûre… ?

Mouais, non. Moi je ne suis pas sûre du tout. Je m’allonge donc en continuant de la garder dans mes bras, je mets la couverture sur nous pour nous faire un abri.

- Tu devrais plutôt dormir...

Ma lancée est aussitôt stoppée par les hésitations d'Artemisia, qui font finalement écho aux miennes. Je me laisse donc faire lorsqu'elle nous fait nous allonger, et je soupire pour seule réponse. Je suis lasse de tout cela, et si le plaisir charnel aurait su noyer mes affects - ou leur absence - quelques instants, cela n'aurait rien apporté de positif. Ma tête me fait mal, et j'ai l'étrange sensation que tous les pores de ma peau respirent l'alcool que j'ai ingéré.

Alors je me love un peu davantage contre elle, comme une enfant aurait pu le faire. J'ai honte de m'être montrée ainsi à elle, et certainement aurais-je du mal à faire abstraction de cela lors de nos prochaines rencontres. Je n'ai aucune envie d'y songer à l'instant, et quoi qu'il en soit, mes pensées sont trop embrumées pour être cohérentes. Je conserve l'un de mes poings serré contre ma poitrine, et l'autre reste collé à la peau de la femme au regard magnétique. Je me souviens un bref instant qu'elle a su toucher mon cœur jadis, lorsque j'en possédais encore un. Cette période me parait désormais bien lointaine.

Il s'agit-là de la dernière pensée dont je me souviens.

Je la sens s’endormir.

Et je me lève du lit. Je lui remet la couverture dessus, je fais signe à Chaton de se placer au pied du matelas, je fais ma vie. Les vêtements trempés et foutus partout sont mis à sécher, ceux pleins d’alcool de Léonore sont lavés comme je peux dans la baignoire puis suspendus eux aussi. Je vide la baignoire, j’essuie le sol. Bref, je nettoie tout ce que je peux.
Ce n’est que quand c’est fait que je retourne me coucher à côté de Jezabel Alvarez, la capitaine au coeur brisé du Némésis, pour essayer de dormir un peu.

C’est avec Chaton allongé contre mon dos que je me réveille. Il a dû avoir froid, le pauvre, je ne me sens pas de le virer. Et puis je tiens à mes doigts aussi. Au lieu de me battre contre 1m de bestiole mal lunée, j’avance mes doigts vers là où je pense trouver ma compagne de lit un peu plus humaine.

Je suis réveillée par le contact de doigts qui glissent sur ma peau. Un instant, je songe qu'il s'agit de ceux de Nadya, et puis la dure réalité se rappelle à moi. Prétendre que je me sens au meilleur de ma forme serait un mensonge éhonté. Prétendre que je suis au plus mal serait également une vérité faussée. Je ne ressens rien que de la lassitude. Une lassitude profonde, qui pourrait peut-être être se rapprocher d'une douce mélancolie dont je ne saurais plus guère me défaire.

Je me tourne néanmoins dans le lit afin de faire face à la Dame qui a accompagné ma soirée, puis ma nuit. J'ignore quels sont mes sentiments ou mes pensées à son égard. Le moment est fort mal choisi pour décider de cela. Je lui souris, et s'il ne doit nullement être aussi éclatant qu'à l'habitude, j'espère qu'elle ne s'en formalisera pas. Mes doigts trouvent leur chemin jusqu'à sa joue, et je l'effleure avec tendresse.

Je déteste l'idée qu'elle m'ait vue dans cet état-là. Je lui suis néanmoins reconnaissante de m'avoir apporté son soutien et sa présence. Je me promets également que cet instant sera le dernier durant lequel quelqu'un saura m'apercevoir dans un tel état de détresse. J'ai une réputation à préserver, et un empire à maintenir à flot. Rien n'importe davantage, désormais.

- Je te remercie pour ta précieuse aide, Artemisia.

Elle sourit, elle est tendre. Je ne sais pas ce que ça veut dire et c’est très perturbant. Des fois j’aimerais être capable de lire les pensées. Ou de comprendre les signaux les plus minuscules dans les attitudes comme Chaton le fait de temps en temps.
Je ne suis malheureusement pas un prédateur entraîné à percevoir les menaces et encore moins une télépathe, alors je vais me contenter de lui sourire en retour en ne sachant pas à quoi elle pense.

- Tu n’as pas besoin de me remercier pour ça…

Parce que c’est normal, je trouve, et que je n’ai pas été très aimable tout le temps hier soir.

- J’ai lavé et étendu tes vêtements. Pour ça, tu peux me remercier.

Je demeure muette un instant, ne sachant point comment il me faut réagir face à cela. Il est d'usure que des hommes et des femmes travaillent sous mes ordres, m'obéissent et parfois me servent. Cependant, j'ai toujours été d'une grande indépendance. Je n'ai jamais eu besoin de quiconque pour accomplir les tâches du quotidien, et dans une certaine mesure, j'apprécie effectuer moi-même tout le travail pour lequel je m'estime suffisamment compétente. Par conséquent, je ne suis point habituée à ce que l'on prenne soin de ma personne comme Artemisia a su le faire.

- Tu n'étais guère obligée de faire cela.

Nous ne sommes rien, l'une pour l'autre. Tout juste des conquêtes d'une nuit, qui se sont recroisées en des circonstances tout à fait malheureuses. Si cela ne tenait qu'à moi, je souhaiterai disparaître afin que personne ne puisse assister à ma décadence. Il ne s'agit en rien du moment le plus glorieux de mon existence. Pourtant, elle est demeurée présente, alors même qu'elle aurait simplement pu m'abandonner à mon sort sans davantage se soucier de moi.

- Je te remercie, me décidé-je à répéter.

Lentement, je me redresse. Ma tête est douloureuse et remplie de brouillard, mais il s'agit-là du seul effet néfaste que je ressens - maigre coût si l'on songe à toutes les boissons alcoolisées que j'ai certainement bu.

Non, je n’étais pas obligée. Je ne suis pas obligée de grand-chose, en fait. Mon mauvais caractère sous-jacent m’empêche d’être la parfaite petite douceur qui se sent forcée à faire des choses.
Donc là, c’est un peu un cadeau. Je ne pense pas qu’elle s’en rend compte et ce n’est pas très grave. C’est mon secret personnel.

- De rien.

Non, c’est faux, ce n’est pas rien.

- Ca m’a fait plaisir. Je me disais que tu préférerais des vêtements propres pour affronter une nouvelle journée.

Je me redresse comme elle l’a fait et je passe une main tout le long de son dos, totalement platoniquement -et affectueusement sur les bords. Est-ce qu’elle va bien ? Après avoir trop bu et pleuré autant qu’hier soir, ça serait étonnant qu’elle soit en forme mais c’est Jezabel Alvarez, la capitaine du Némésis. Quelqu’un pour qui l’étonnant est probablement la norme.
Dans le doute, je me décide à poser la question.

- Ca va ?

Affronter la nouvelle journée. Voilà un terme excellemment bien choisi. Je me décide néanmoins à garder cette réflexion presque cynique pour moi. Inutile de l'embarrasser avec ces considérations définitivement sans intérêt. Je ne saurais dire ce que me faire ressentir sa main sur mon dos. Il s'agit-là d'un geste simple, affectueux sans être déplacé d'une quelconque façon. Et je ne suis guère habituée à cela, d'aucune manière. Qu'importe. Je lui souris avec sincérité. Cependant, lorsqu'elle me demande si ça va, mon sourire vacille, et je détourne le regard en soupirant. Après quelques longues secondes, je retourne la tête en sa direction, à nouveau souriante, et l'air déterminée.

- Oui, je vais bien. Les jours passés ont été compliqués, il est vrai. Cependant, il est temps pour moi d'avancer.

Je pose une main sur sa cuisse.

- Cette nuit m'a beaucoup aidée.

Oui, elle m'a aidée à réaliser que ma fin approche, et que l'univers entier doit payer pour tout ce que j'ai enduré. Je demeure quelques instants ainsi, avant de parvenir à me mouvoir à nouveau. Je me relève alors, défroisse mes vêtements, m'assure que je suis présentable dans le miroir.

- J'ai à faire, Artemisia. Cependant, je n'oublierai jamais cette nuit. Quelle que soit ta demande, si un jour tu as besoin de moi, n'hésite point à venir me trouver.

C’est agréable de penser que je l’ai aidée. Dans l’absolu je me dis qu’elle avait juste besoin de parler, de laisser quelqu’un être patiente mais franche avec elle, mais qu’est-ce que j’en sais vraiment ? Je ne suis pas dans sa tête et si Jezabel dit que j’ai été utile, je vais laisser cette idée me faire du bien.
Je la laisse aussi se lever alors que je ne bouge pas du lit. Je ne suis pas pressée de retourner sur l’Iceberg. Je peux rester là à la regarder se rhabiller. La vision de mes deux yeux se brouille, renvoie son image comme un glitch humain-mais-pas-exactement, et c’est fascinant. Je ne peux pas me détacher de sa silhouette pâle-lumineuse.

- Je n’oublierai pas ton offre. Et si tu as besoin de moi… Je suis certaine que tu me trouveras. Ou que je te trouverai.

Je n’ai pas envie de lui donner un moyen de me contacter. C’est bizarre, je ne comprends pas vraiment pourquoi mais je préfère suivre mon instinct.

- Prends soin de toi, d’accord ?

Je marque une hésitation dans mes mouvements à l'entente de ses mots. Ils tournoient un instant dans mon esprit avant de se frayer un chemin particulièrement singulier en moi. Je termine mon geste avant de me tourner en sa direction, arborant le sourire si particulier qui me caractérise.

- Peu importe le temps et la distance ; les âmes qui doivent être réunies parviennent immanquablement à se frayer un chemin l'une vers l'autre.

Pensai-je qu'Artemisia et moi-même étions faites pour être réunies ? Je l'ignore - et cela n'a aucune sorte d'importance. Mon sourire s'embrase un instant, alors que mes pas me guident encore près d'elle, que mes doigts effleurent son menton, que mon regard s'accroche à son image, que mes lèvres s'approchent lentement des siennes.

Je mettrai l'Univers à feu et à sang.

- Entendu. Fais attention à toi, Artemisia.