Au spa de la baisse de garde [Mia & Raedhun - Crust]

On y est. Ces fameux deux jours où l'impérial amène la grand-mère se détendre, et où tout doit être parfait. Comme j'lui ai promis, j'ai tout vérifié au moins six fois, et je veille. Avec moi, deux de mes gars sont sur le coup à plein temps, à la fois pour masquer les surprises à venir et pour rendre le tout le plus parfait possible. A la moindre erreur, ils savent qu'ils jouent leur place. On ne fait pas d'erreur dans un établissement de luxe avec des tarifs comme les nôtres. Bref, j'serai dans la cuisine ce soir, et en attendant, j'ai des tonnes de trucs à faire. Vraiment des putain de tonnes. J'regarde l'heure. 14h30. A cette heure-là, Mia doit être au spa. On va débarrasser sa suite, la nettoyer, déposer sa robe et ses chaussures. J'suis vraiment fière de ça. J'suis sûre qu'elle sera magnifique avec. Mais c'est pas moi qui m'en occupe. Moi, j'vais joindre l'utile à l'agréable. J'vais vérifier que tout se déroule bien au spa, et en même temps, j'vais en profiter pour la saluer. Si je dérange, j'm'imposerai pas. Sinon, j'pourrais espérer passer un petit moment en sa compagnie. On verra. J'oublie pas qu'elle est là pour se faire plaisir, et j'sais pas vraiment pourquoi, mais j'ai envie qu'elle se détende, qu'elle soit bien, bref, qu'elle se fasse vraiment plaisir, quoi.

Y a Waalan entourée autour de moi, comme d'hab. Pieds nus, un décolleté vertigineux, un short qui m'arrive même pas mi-cuisses. Bref, égale à moi-même, quoi. J'arrive devant le spa par le couloir du personnel, j'ouvre la porte grâce à ma clé qui ouvre tout. J'échange deux-trois mots avec deux de mes employés, qui sont bien occupés, eux aussi. Un mot sympa, parce que c'est cool d'encourager les gens qui travaillent pour nous, et que c'est important pour moi qu'ils se sentent bien avec nous. Ca les rend plus efficaces au boulot, et vu le boulot qu'on a, c'est pas du superflu. Bref, quand notre rapide échange est terminé, j'quitte les locaux du personnel pour me retrouver au milieu du spa qui, comme à son habitude, est rempli sans être étouffant. Il y a assez de place pour être à l'aise est détendu. Du regard, je cherche la grand-mère.

J'avais été installée, à ma demande, dans une petite salle à part : sans être pudique, je n'appréciais pas particulièrement que des inconnus m'observent dans mes rares moments de détente.

Difficile d'avoir l'air charismatique quand on est étalée sur le ventre, à se laisser dégouliner sur une planche de massage, sous les coups d'un masseur aussi charmeur de ses yeux que doué de ses mains. Ce dernier, professionnel, savait user habilement de la serviette pour couvrir ce qui devait le rester sans gêner son travail. Seule la décence et la fierté m'empêchaient d'enchaîner les soupirs de satisfaction.

« Pitié ne me donnez pas votre nom, je risquerais de tomber amoureuse », lançais-je à l'employé, sur le ton de l'humour.

Personne dans la salle. Elle doit être dans une de nos salles privées, en train de se faire masser. J'm'approche discrètement, j'entrouvre la porte en silence et je la vois, allongée sur le ventre, les yeux fermés, en train de clairement prendre son pied. J'hésite à rentrer, et puis sa remarque est comme un appel, j'peux pas résister. J'espère que j'vais pas trop casser l'ambiance.

- Ben merde, t'oserais me faire des infidélités ?

Je sursautais, non de peur mais d'étonnement. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle apparaisse d'un coup, et surtout pas en entendant une phrase hors contexte.

« Tout est meilleur à trois, parait-il. Veux-tu nous rejoindre ? »

Je souris pas, mais j'suis foutrement amusée, pourtant. J'croise les bras tant bien que mal à cause de Waalan, et j'reste plantée là, la porte fermée derrière moi.

- Si ma présence te dérange pas, j'dis jamais non pour ce genre de proposition.

J'fais un clin d'oeil à ma masseuse, et je m'approche de la grand-mère. Je me laisse tombée au sol, sur le mur du fond, juste en face de son visage.

- Désolée d'rompre la magie du moment. J'avais envie de venir te saluer, et il se trouve que ma plage horaire de repos tombe pile poil pendant ton moment au spa. J'ai deux heures devant moi. J'suis censée dormir, mais j'préfère venir t'embêter et t'empêcher de trop prendre ton pied - ou au contraire, y contribuer, on sait pas. Tu m'donnes la permission de rester un peu ?

« Je ne te savais pas timide, Raedhun », la taquinais-je. « Fais comme chez toi. Que racontes-tu de beau, entre deux surprises pour une vieille dame ? » Mon ton était râleur, mais il était clair que la réplique était lancée plus par humour qu'autre chose. « Je suis heureuse de te voir », rajoutais-je, plus douce.

J'lance un rire particulièrement grinçant.

- Moi, timide ? Nan, grand-mère, te méprends pas. J'ai juste envie qu'mes clients soient suffisamment satisfaits pour qu'ils aient envie de revenir me voir. Etrangement, j'doute que ça fonctionne si j'les emmerde. Enfin, en l'occurrence, si on apprend que j'les emmerde. Au pire tu feras semblant d'être vraiment détendue.

Puis j'caresse Waalan en observant la grand-mère avec une certaine bienveillance.

- T'inquiètes, tu s'ras moins heureuse quand j't'aurais cassé les pieds d'ici quelques minutes.

Ouais, c'était trop dur de juste dire "Moi aussi j'suis heureuse de te voir". Et alors ?

- La routine, grand-mère, la routine. Des clients exigeants qui chamboulent toute mon organisation, et des clients encore plus exigeants qui me privent de sommeil. Et toi, ça roule ? T'as l'air de prendre ton pied.

« Tu es bien la dernière personne à m'agacer par sa présence, si cela peut te rassurer. Et puis quand tu es là, j'ai droit à des services incroyables sans dépenser un crédit. » Je ponctue ma remarque d'un sourire malicieux.

« Je vais plutôt bien. Petite question d'ordre général, monsieur sait-il que nous nous connaissons ? »

- J'vais faire semblant de penser qu'c'est un compliment que tu m'fais. Et puis bon, pour ce coup-ci, j'y suis pour que dalle, moi.

Ouais, pour sûr que ses soins et tout l'bordel, ils ont bien été payés. Une véritable petite fortune, en plus. En même temps, avec ce que le gars a réservé à ma grand-mère, j'imagine qu'il est plus trop dans le compte de ses crédits. Tout le monde peut pas s'offrir ça. Ca fait partie du jeu aussi. Si tout le monde le pouvait, ce s'rait con, mais ce serait forcément moins attractif. J'lâche un rire sec.

- Pour qui tu me prends, grand-mère ? Secret pro oblige, j'parle pas de mes clients à mes autres clients.

Réponse à double tranchant, ou un truc comme ça. J'lui dirais rien à elle sur Monsieur de Golazzo, mais elle peut être sûre que j'ai rien dit d'elle à Golazzo. Même pas que j'la connaissais.

- Tu fais quoi, après notre org... Ton massage ?

« Bah ! Tiens donc, tout d'un coup tu es la plus professionnelle des patronnes », lançais-je sur le ton de la plaisanterie, lui offrant un bref sourire avec pour objectif de n'offrir aucun malentendu : je pensais bien le contraire.

« Pour après, je n'ai pas grand chose de prévu. Je suis censé voir le Capitaine de Golazzo dès que je sors d'ici ... Ce qui me laisse deux ou trois heures pour respirer, peu ou prou. En bref, rien de prévu, si tu as une idée derrière la tête. Et après tout, ce qu'il se passe au spa reste au spa. »

Amusée par c'qu'elle vient d'me sortir, j'lui réponds sur le même ton. J'souris pas, hein, mais normalement ça s'voit quand j'plaisante. Normalement.

- J'suis contente que tu notes les efforts que j'fais pour toi, grand-mère.

J'lève un sourcil quand elle m'annonce la suite de son programme - j'le connais par coeur, mais bon, vaut mieux faire semblant que non.

- Respirer ? Ben merde, j'te pensais plus enthousiaste.

Et puis j'hausse les épaules.

- Va falloir que j'sois encore pire que d'habitude, si j'veux que t'aies hâte de le retrouver ? Un petit tête à tête dans le jacuzzi, ça devrait suffire, j'pense. Quand ma charmante collègue aura fini de te détendre, et de te retirer tous les putains d'noeuds que tu t'es fait... C'qui a pas l'air d'être une mince affaire.

J'avais appris assez rapidement qu'avec Raedhun, l'humour passe par le cynisme. C'était l'une des raisons pour lesquelles je m'y adonnais sans restriction, avec elle. J'étais absolument convaincue que si elle avait été sérieuse, son ton et sa présence n'auraient pas été les mêmes.

« Je ne dirais pas non à un jacuzzi. Je crois n'y avoir eu droit pour la dernière fois qu'il y a ... Je ne sais même pas si tu étais née. Et enthousiaste, je le suis ... enfin je crois. Je ne saurais pas te dire pourquoi, mais ... Non, en fait je sais totalement pourquoi je ne suis pas à l'aise : je suis accro au travail. Chaque seconde passée ici à ne rien faire m'éloigne de tout ce que j'aurais pu accomplir sur le Cerberus. Idiot, n'est-ce pas ? »

J'lève un sourcil, intriguée. J'étais pas née, la dernière fois ? J'suis pas si jeune que ça, et la grand-mère est pas si vieille, j'en suis sûre.

- Ben ça dépend, tu m'donnes quel âge ?

Après, elle me parle de la raison pour laquelle elle est pas à l'aise. J'plie mes jambes en tailleurs, et j'attrape mes chevilles nues avec mes mains. Waalan a eu la bonne idée de poser la plus grosse partie de son poids sur le sol, ça me soulage un peu les épaules.

- Ouais, c'est totalement con.

On va pas passer par quatre chemins, hein ?

- Mais bon, j'fais pareil que toi. Quelque part, c'pas si moche que ça. Quand on aime bosser, on s'donne à fond et les résultats sont souvent là. Ton bâtiment là, c'est certainement un des meilleurs d'la flotte impériale, et j'dis pas ça pour te flatter hein, puisqu'on en est déjà presque au moment où on fait un plan à trois.

J'redeviens sérieuse.

- Mais bon, t'sais, parfois, il parait qu'c'est sympa aussi, de juste... Plus penser à rien. De profiter des mains de ma meilleure masseuse, de profiter d'la présence d'une amie - bon j'reconnais que c'est pas la plus agréable, mais on s'y fait, il parait -, de profiter d'un chouette type qui a dû s'creuser la tête pendant des semaines pour que tout soit aussi parfait que possible. Bref, laisse les gens t'aimer et vouloir ton bien-être, Mia. Tu l'mérites aussi, hein.

« La quarantaine ? », essayais-je, incertaine. « Il me serait facile de jouer l'humilité et de diminuer le mérite du Cerberus, mais ce serait diminuer celui de mes hommes et de mon Capitaine, ce qu'ils ne méritent pas. Ce n'est peut-être pas le meilleur navire aux yeux de la hiérarchie, mais il l'est aux miens. »

Je souriais, l'esprit ailleurs. Ca ne faisait qu'une demi-journée que je l'avais quitté, mais je regrettais, dans le fond, les couloirs sombres et irréguliers du vaisseau. Il me serait difficile de le quitter, lorsque j'aurais à le faire, tout comme cela l'avait été pour tant d'autres avant lui.

« De la bouche du Capitaine De Golazzo, on croirait que le fait que je sois passionnée par mon travail est un tort. Bon, je force sans doute un peu le trait. De plus, vous avez peut-être bien raison. Je m'habitue depuis si longtemps à un travail stressant que je ne me rends compte que dans mes rares pauses à quel point mes nerfs sont régulièrement à vif. Je ne suis en définitive sauvée que par mon self-control et mes très rares pauses. »

Une expression d'horreur se dessine sur mon visage, et j'mets mes mains sur mes joues.

- Oh bordel, j'ai l'air si fatiguée que ça, pour paraître vieille à ce point ?

J'mets ma main sur ma poitrine, choquée, faussement vexée. J'ai bien l'droit de l'embêter un peu la grand-mère, nan ? J'me racle la gorge, comme si je cherchais à reprendre mes esprits, mais finalement, j'retrouve mon air sérieux.

- Enfin, faut pas qu'tu sois trop modeste, ça fait forcé, après. J'connais beaucoup d'monde, dans ce foutu système. Et crois le ou non, y en a pas beaucoup pour lesquels j'sacrifie mon temps de sommeil. Il a un peu raison, de Golazzo. J'm'risquerai pas à te donner un âge grand-mère, mais dans ton cas, t'as consacré toute ta foutue vie pour ton boulot. J'dis pas qu'c'est bien ou mal, j'suis pas du genre à juger comme ça, mais merde... T'es déjà tombée amoureuse ? T'as déjà envoyé chier tout ce que t'avais juste comme ça ? T'as déjà ressenti cette putain de boule de bonheur qui éclate en toi comme du popcorn et qui te donne envie d'rester là pour toujours ?

Je prenais quelques instants pour réfléchir à ses mots, n'ayant porté aucune attention autre que de l'amusement à sa première réaction.

« Je ... Je crois. Je ne suis pas vraiment sûre. J'ai fait des rencontres spéciales, c'est évident, mais rien qui ne tienne sur le long terme. Ou même le moyen. Peut-être que je ne suis tout simplement pas faite pour ça. Que je suis destiné à autre chose qu'un avenir à deux. »

Je soupirais longuement, tentant d'ignorer le fantôme d'Erika, secouant doucement la tête pour reprendre mes esprits.

« Bref, assez parlé de travail. Parlons plutôt plaisir. Puisque le Capitaine de Golazzo semble sérieusement motivé pour me faire des surprises, quitte à me prendre à contre-pied ou me mettre mal à l'aise, quid que je lui rende la monnaie de sa pièce ? Et que tu m'y aides ? »

J'soupire. Cette conversation va vite devenir déprimante, va me falloir une clope. Mais y a pas moyen que j'fume dans le spa. 'Chier.

- On s'en fout, c'pas le souci, l'avenir à deux. Y a pas que ça non plus, dans la vie. Mais... Faut être tempéré. Pas tout dans le boulot, pas tout dans le cul, pas tout dans le jeu, pas tout dans le devoir et l'honneur. 'fin bref.

Elle change de sujet, et j'lève les mains, pas mécontente qu'on parle d'autre chose, même si j'aimerais bien que la grand-mère se décoince à ce sujet. Elle parle de rendre la monnaie de sa pièce à de Golazzo. J'lève un sourcil.

- Ca dépend c'que t'as en tête. Dis m'en plus.

Difficile de lui répondre sans lui en dire plus sur des sujets que je préfère taire à tous. Dans le doute, je préférais opter pour l'absence de réponse.

« Pour l'instant je n'ai qui me vient, malheureusement », admettais-je. « Mais je n'hésiterais pas à t'en informer lorsque j'aurais une idée intéressante. »

J'lève les yeux au ciel.

- T'sais que j'ai le plus grand mal à te croire, hein ? Enfin, nan, j'te crois, mais toi qui a pas d'idées, ça sonne bizarre. Je te connais certainement pas assez pour en mettre ma main à couper. Mais bref, tu sais où me trouver, maintenant. J'espère que t'attendras pas un an pour revenir me dire bonjour et me parler des plans machiavéliques que tu prépares déjà.

Et là, le minuteur qui indique la fin du massage sonne. La masseuse l'éteint.

Ce n'était pas vraiment que je n'avais pas d'idées, mais plutôt que chacune d'entre elle s'avérait plus farfelue que la précédente. En l'état, je préférais la laisser penser ainsi, c'était plus simple que de lister les pours et les contres de chacun de mes plans.

« En fait je comptais profiter de ma présence ces deux jours pour mettre en marche mon probable-espéré-futur-plan », fis-je en me relevant, sans la serviette, poussant un soupir de plaisir non dissimulé. Oui, après avoir passé des décennies en présence d'une très large majorité d'hommes, je manquais de pudeur. « Vous avez vraiment besoin d'une augmentation », lançais-je à la masseuse, avant de tourner le regard vers mon amie, faussement sérieuse. « Raedhun, il lui faut une augmentation. »

La grand-mère se relève, moi je m'étire. D'ailleurs, putain, pour une grand-mère, elle est sacrément bien gaulée. Enfin, j'm'attarde pas trop sur ça. J'suis amusée par le manque de pudeur de la grand-mère, mais j'suis pareille, sûrement même pire. Finalement, j'me relève, poussant un grognement d'effort en soulevant Waalan. Putain de merde, elle est lourde.

Et la grand-mère demande une augmentation pour ma masseuse. J'lève un sourcil, seul signe de mon amusement. Puis, je finis par hausser les épaules. La masseuse, j'la connais bien, ça fait longtemps qu'on bosse ensemble. C'est devenue une amie, depuis déjà longtemps. J'bosse pas avec des gens que j'apprécie pas. C'est gênant pour le recrutement, parfois, mais ça fout une putain de sacrée ambiance à bord.

- D'accord.

Et j'fouille mes poches, j'en sors une petite liasse de billets, et j'la lance sur ma masseuse, avant de lui faire un clin d'oeil.

- J'te paie ton augmentation des prochains mois à l'avance. Dépense pas tout d'un coup.

Puis, j'regarde la grand-mère.

- Bon, on va se l'faire, ce jacuzzi ?

J'admets avoir été surprise que Raedhun lui offre un pour-boire pareil, alors que j'avais pensé le ton trop plaisantin pour qu'il puisse être pris au sérieux. Au final, tant mieux pour la masseuse.

« Allons-y, je n'y croyais plus », lançais-je avec une moue feinte. « Je te suis. »

J'ouvre la marche, et quand on est sorties d'la salle privée, j'regarde la grand-mère.

- Tu viens de te faire une pote, je crois. Mais crois pas que j'les maltraite, mes employés. Ils ont pas l'air malheureux, hein ?

J'crois pas qu'ils soient malheureux, mais c'est jamais mal d'avoir un avis extérieur, donc bon. Et le jacuzzi est vide, putain, c'est vraiment notre jour de chance. Heureusement, le jacuzzi dans lequel on va, c'est un endroit un peu isolé.

- Tu m'excuseras, j'ai pas de sous-vêtements.

J'pose Waal' sur le sol, et j'me désape entièrement. 'fin, ça va vite. Juste mon haut et mon bas, pour une somme totale de tissu qui défie toute concurrence. J'prends le temps de les plier et de les poser dans un casier. De toutes façons, elle m'a déjà vue à poil, la grand-mère.

- Ca va finir par devenir une habitude, qu'on se retrouve à poil ensemble, toi et moi.

Je haussais les épaules, adoptant un sourire en coin amusé.

« Je m'en doute. Elle n'avait effectivement pas l'air sur le point de pleurer. Particulièrement avec une liasse entre les mains. »

Je riais à sa remarque. Ce n'était effectivement pas la première fois que nous retrouvions nues ensemble. Et encore moins dans l'eau. Je ne l'avais attendue pour rejoindre le jacuzzi, qui semblait m'appeler, poussant un long soupir d'aise alors que je rejoignais l'eau chaude pour m'asseoir sur l'un des côtés prévus à cet effet.

« Je vais commencer à croire que nous sommes maudites, à finir au bain à chacune de nos rencontres. Après, il y a certainement pires malédictions », ajoutais-je sur le ton de la plaisanterie.

« Chaque fois que je passe au Crust, j'ai l'impression de le redécouvrir. Tu as vraiment su comment transformer cet endroit en quelque chose d'unique, Raedhun. Un peu comme toi, en fait. »

Maintenant que j'suis à poil, j'me glisse dans l'eau en face de la grand-mère, avec un soupire d'aise. Faudrait vraiment que j'fasse ce genre de conneries plus souvent. C'est con d'avoir un spa et de jamais en profiter, hein ? Cela dit, j'ai pas souvent le temps ni l'occaz' d'le faire.

- Putain, si c'est une malédiction et que l'enfer ressemble à ça, j'signe direct.

Et puis, alors que j'avais commencé à m'enfoncer dans l'eau, la tête légèrement en arrière et les bras posés sur le rebord comme sur un accoudoir, j'me redresse. Attends, quoi ? J'sonde la grand-mère pour voir si c'est encore une blague ou une connerie comme ça, mais il a l'air sincère, son compliment. Sur le coup, j'reste con.

- Ben merde, c'est ton séjour ici qui te rend romantique à ce point ? J'espère que tu vas garder cette impression tout l'temps, même quand ça fera cinquante fois que tu s'ras venue par ici.

C'est maladroit, ouais, mais c'est mon moyen à moi de dire que j'l'apprécie au point d'vouloir voir sa gueule le plus souvent possible. C'est rare hein, venant d'moi qui aime tant que ça mon indépendance et tout ce qui va avec. Mais j'sais pas, Mia, c'est une femme avec qui j'aime passer du temps, comme ça m'arrive rarement, d'ailleurs. Pour essayer de noyer le poisson, j'lance sur le ton de l'humour :

- Et merde, t'es en train de me draguer ? Fais chier, j'me fais avoir à tous les coups.