Rougissement stratégique [w/Miguel Belasko]

Elle avançait vivement dans les couloirs du Némésis et la pénombre du début de journée. Le vaisseau était relativement calme, compte tenu des pillages de ces derniers jours et chacun profitait d'un repos bien mérité. Par chance, il n'y avait pas eu de blessé cette fois. Elle était de plus en plus consciente des blessés et de la violence des assauts depuis l'incident... Parfois ça l'empêchait de trouver le sommeil.

Ce matin leçon de tactique de combat spatiale avec Miguel. Mam a dit qu'il était temps qu'elle reçoive des leçons d'un maitre en la matière et en tant que stratège du vaisseau c'est lui le plus à même de transmettre tout ce qu'il y a à savoir sur le sujet. Jillian avait un simple petit problème... Il est si beau, si séduisant, si intelligent... Ses cheveux, sa barbe, son regard... Ne nous égarons pas... Elle se demandait comment allait-elle réussir à rester concentrer avec le coeur qui bat la chamade et l'incapacité de penser à quoi que se soit d'autre. Déjà rien qu'en y pensant elle avait du mal à construire une phrase correcte alors se souvenir de ses bases de stratégie, en sa présence, ça relèverait de l'exploit.

Hésitante à frapper, elle attend près de la porte. Elle ne sait pas s'il est là et s'il est là, doit elle entrer directement ? S'annoncer ? Frapper ? Attendre qu'il lui demande d'entrer ? Sa main se lève pour frapper sur la porte, puis se rabaisse aussitôt, l'hésitation prenant le dessus. Subitement elle se décide, ouvre la porte à la volée et entre dans le même mouvement.

« Hey Migu... »

La pièce est vide, son visage est rouge de honte.

Cette chère enfant. Miguel n'était pas toujours très à l'aise avec les enfants, non pas qu'il détestait ces créatures, mais elles lui renvoyait l'image paternelle, et son image de chérubin. Un père qui n'a jamais été autre que dur et exigeant, une mère qui savait couver et aimer. Cependant, comment refuser à son Capitaine une demande à former la chair de sa chair ? Il connaissait cet enfant depuis son arrivée sur le Némésis, il y a déjà neuf années. La petite s'exprimait déjà ! Miguel a rapidement apprécié l'enfant pour son tempérament et sa flamme évidente. C'est une Alvarez !

Le vaisseau étant en période de récupération. Des journées où le Némésis flotte dans l'espace sans pour autant s’égarer. Pour cette première leçon Miguel avait demandé qu'on lui laisse la salle de commandement, bien sûr, il y avait toujours de l'équipage pour guetter une approche sournoise. Il s'était absenté de la salle afin d'aller chercher quelques maquettes. Néanmoins, la jeune Alvarez en herbe n'était toujours pas là. Le pirate la chercha autour de la salle, sans succès.

Une idée lui traversa les pensées et lui fit frissonner l'échine ; et si elle s'était rendue naïvement dans sa cabine ? Son terrier secret, ses aveux, son lieu de repli... Miguel s'engagea dans les couloirs du Némésis avec un pas vif jusqu'à sa cabine.

Personne n'avait le droit d'y rentrer. Sauf la Capitaine... Et elle était là, devant. Mais il ne put se courroucer devant l'air naïf et désolé de l'enfant.

La chaleur lui monte au joue quand elle se retourne pour découvrir Miguel qui arrive en vitesse derrière elle. Intégralement rouge elle balbutie un bruit incompréhensible. Avant de s'éclaircir la voix et de reprendre sa contenance en se redressant.

« Bonjour Miguel, je pensais que la leçon avait lieu ici... Désolée. » la voix tout de même un peu tremblante.

Elle se tient droite carrément guindée et pas du tout naturelle et fait deux pas pour sortir de la pièce en le contournant. Penser à lui c'est une chose, l'évoquer s'en est une autre mais quand il est là près d'elle, elle a le plus grand mal à garder son calme et à créer l'illusion d'agir normalement. Son coeur bat la chamade dans sa poitrine. papompapompapompapompapom

Il expira doucement, il ne pouvait pas décidément en vouloir à cet enfant. Son balbutiement servait presque à lui seul d'excuses sincères. Et puis, il s'agit de la fille du Capitaine. Cependant, sans se montrer brusque ou rude, il passa sa main sur les épaules de la petite afin de l'accompagner lorsqu'elle sorti timidement de la pièce. Il referma calmement sa porte, son cœur redescendait de ses émotions paniquées, après tout elle avait dû simplement avoir un regard naïf sur ses effets personnels. Miguel ignorait cependant tout de l'emballement de la jeune Alvarez.

- Très bien. Allons dans la salle de commandement.

Il tendit le bras pour indiquer la direction, le regard de l'enfant le mettait un peu mal à l'aise. Il fit donc un grand pas et se réfugia derrière une attitude impériale et directive.

- Alors, pour ta première leçon tu vas devoir me montrer ce que tu sais sur la hiérarchie et l'organisation du navire. On ne peut pas diriger plus de cent hommes si on ne sait pas à qui donner ses ordres.

J'ai soudainement chaud lorsqu'il pose sa main sur mon épaule, heureusement, il ne semble pas le remarquer, mais je dois être rouge comme une tomate. J'arrive à me contenir et à garder mon sérieux tout en emboitant son pas, difficilement vu qu'il fait de grandes enjambées. Je m'éclaircis la gorge et m'empresse de lui répondre, exécutant son ordre comme celui d'un subordonné pour son officier.

« Le Capitaine est le maître à bord, il peut commander à tous les officiers et non-officiers, c'est lui qui donne la ligne de conduite. Il est assisté directement par son second qui gère la discipline avec le quartier-maître, ainsi que tout aspect du vaisseau n'étant pas lié directement à celui-ci et de vérifier que tout va bien à bord. Le quartier-maître lui s'occupe de gérer l'équipage et de lui relayer les ordres du capitaine, il est aussi en charge de la discipline avec le second. Chaque composante importante de l'équipage : Navigation, Mécanique, Abordage, Intendance et Médecine disposent d'un sous-officier charger de gérer les membres d'équipages qui leurs sont affectés. »

D'une seule traite, j'ai lâché tout ce que maman m'a appris sur l'organisation d'un vaisseau et de son équipage. J'en ai sûrement oublié, mais j'attends de voir ce qu'il en dit en reprenant mon souffle.

Un petit sourire se fit sur le visage du stratège, l'apprentie Capitaine savait bien évidemment tout de la hiérarchie du navire. Il ne pouvait pas s'attendre moins de la jeune Alvarez. Elle avait déjà la beauté de sa mère, sa chevelure si blonde que les pupilles s'y trompent avec la pureté de la blancheur. Pourtant, contrairement à la fille, la Capitaine n'a rien de l'innocence. Il s'agit là d'un point essentiel au commandement. L'oie blanche est belle, mais peut-elle suffisamment inspirer ses troupes pour qu'on lui obéisse ? En eaux calmes cela pourrait se faire, mais lors de tempête, il faut une main de fer pour traverser les eaux boueuses. Quitte à devoir salir le blanc des plumes.

Il s'arrêta devant la salle de commandement. Il prit le temps de laisser la jeune fille respirer, Miguel ne tenait pas à être trop brusque avec ce petit bout de femme. Il supposait qu'elle devait ressentir une certaine pression. Être enfant d'une personne de talent est un héritage lourd à porter. Il se souvient encore de son fardeau. À n'être pas aussi fort que son géniteur...

- Très bien. Passons sur un plan moins théorique. En pratique, as-tu remarqué les qualités de ta mère, notre Capitaine, qui lui permet de diriger plus de cent hommes. Et dans une autre mesure, les compétences que possèdent les officiers ?

J'hésite un instant laissant échappé un long euuuuuh... Nous avons passé plus de temps ensemble ces derniers temps mam et moi grâce aux missions qu'elle me confit depuis un an et elle m'a beaucoup parlé de ce qui fait l'essence du capitaine et j'ai moi aussi vu l'énergie qu'elle met à l'œuvre dans tous les aspects de la gestion du vaisseau pourtant j'ai encore du mal à réellement comprendre ces notions et encore plus à m'imaginer les mettre en oeuvre. Je restitue un peu mécaniquement, comme ma dernière réponse, les phrases que maman me répète souvent.

« Un bon capitaine est inflexible, il doit savoir prendre des décisions difficiles rapidement et ne permettre à personne de les discuter. Un bon capitaine [...] » même si mes réponses sonnent juste, elles sont incomplètes et vide de ma propre compréhension.

Pour moi, maman a toutes ces qualités, mais je ne suis pas encore consciente qu'elle n'a pas toutes les qualités et qu'elle a aussi des défauts. Je l'admire et ça me fait douter de ma capacité à mener les hommes et le Némésis un jour, car je ne sens pas ces mêmes qualités en moi. Je ne réponds pas immédiatement concernant les officiers, pourtant, je suis plus à l'aise avec ce sujet comme je passe beaucoup de temps avec eux. Une question brûle mes lèvres.

« Tu crois que je serais un bon capitaine... Miguel ? »

Ma voix est hésitante et pleine de doute, j'ai peur de décevoir maman.