Au silence des plaies, le cri des vérités.

S'il y a quelque chose de difficile dans le fait d'être devenu un corsaire, c'était bien les batailles. Surtout lorsqu'on était devenu corsaire sur le tard, comme En'theven. Il passait son temps en arrière, priant Calyspo et receptionnant les blessés graves. Il n'avait rien de pertinent à ce qu'il soit au centre d'un combat. Bien que tape à l'oeil, ses prothèses ne l'aidait en rien dans ces situations. C'est à la fin des échaffourés que l'on voyait l'immense docteur traverser les couloirs couverts de sang et enjamber les cadavres. Il se penchait sur les blessés, décidait de ce qui devait être fait avec eux et soignait ceux qui était dans un état critique.

Après un abordage, En'the dormait peu. Et au bout de quelques heures, lorsque la tension était retombée et les blessés stabilisés, il recevait un appel de la Capitaine Alvarez. Il serait faux de dire qu'il aimait ce moment. Au contraire, même. Une ombre passait sur son visage lorsque le transmetteur sonnait. Il levait sa grande carcasse et prenait son attirail pour longer les couloirs comme une large ombre d'amertume. Pourtant, lorsqu'il arrivait dans la pièce où était aligné les esclavagistes, le remord le quittait.

Il alla se placer près de sa capitaine et attendit les ordres.

Bordel de merde que ça fait mal.

Hannabeth tire une grimace, rendant son expression encore moins avenante qu'à l'habitude lorsqu'elle est énervée. Et il faut dire que le coup de sabre qu'elle a reçu au bras la rend particulièrement énervée. Énervée contre le connard qui lui a fait ça et contre elle-même de ne pas avoir vu le coup arriver. Elle est aussi énervée par ce qu'ils viennent de trouver, caché au fond de la cargaison de ces vulgaires criminels osant prétendre au titre de pirate.

La capitaine serre la main de son bras valide autour du pansement recouvrant sa plaie et la douleur devient plus supportable. Elle lance un dernier regard à la vingtaine de Mo'ats vêtus de haillons a qui ses membres d'équipage viennent de retirer leurs chaines, puis quitte la pièce, laissant les esclaves libérés aux soins de sa seconde. Elle appelle ensuite En'theven, son médecin de bord, l'enjoignant de la rejoindre.

Contrairement à ce qui pourrait paraître évident, elle ne réquisitionne pas ses services pour elle-même et sa blessure - bien qu'elle se doute qu'il insistera pour la soigner rapidement - mais pour une tâche plus... ingrate. Elle n'aime pas particulièrement l'idée d'offrir les services de son médecin à ses prisonniers esclavagistes, mais les laisser mourir de leurs blessures serait contre-productif. Lorsqu'il la rejoint finalement aux cachots, elle le prend à part, assez loin des oreilles des prisonniers pour qu'ils ne puissent pas entendre.

"Comment va l'équipage? L'état des blessés graves?"

Ombre parmi les lumières crues des cachots, En'theven projette au sol une lassitude morne devant les êtres sanglotants vaincus. Un éclat franc brille sous sa paupière dans le noir, son signe d'opulence trouvée il y a des décennies. Alors il songe aux mains et pieds meurtris de ses frères et de ses sœurs. Cette chance qu'il a eu était là pour une raison.

" Pas de pertes. Une amputation majeur à prévoir, selon les jours à venir. Quelques doigts perdus. Cinq alités, stables. Le reste n'a pas besoin de moi, mes assistants s'en chargent. Un bilan honorable. "

Il tendit sa main vers elle avec la même gestuelle, toujours, tout en lenteur et souplesse. Il s'arrêta près de son bras.

"Puis-je ?"

Beth hoche la tête, heureuse du bilan et qu'elle n'ait perdu personne. Elle s'était informée plus tôt sur l'état de son équipage après l'abordage, certes, mais le point de vue avisé d'En'theven sur la santé de tous une fois les choses redevenues calmes lui est toujours précieux. Lorsque ce dernier lui demande s'il peut s'occuper de sa blessure, Hannabeth serre un peu les dents par habitude, mais pousse finalement un petit soupire de résignation en hochant la tête à l'affirmative. Si elle le laisse pas faire maintenant, elle va en tendre parler plus tard, de toute façon. La capitaine lui offre donc son bras distraitement et se met à lui faire un topo de la situation de leurs prisonniers.

"L'équipage de ces esclavagiste est resté sur leur vaisseau, désarmé et sécurisés. Leur équipe médicale s'occupe de leurs propres blessés, mais s'ils ont besoin d'aide, une fois que les nôtres seront disponibles, tu peux leur proposer assistance.

Elle fait ensuite un geste rapide du menton vers les individus en cellule à quelques pas d'eux.

"Les officiers sont tous ici. Deux de ces ordures sont blessés assez gravement. Ils ont eu des soins rapides, mais j'aimerais que tu leur jette un oeil. Morts, ils nous servent plus à rien, maintenant."

Elle hésite, connaissant son médecin de bord et ne souhaitant pas insulter son professionnalisme, mais ajoute tout de même :

"Si t'es pas à l'aise néanmoins, tu peux m'envoyer un de tes assistants."

Il attrape avec sa douceur artificielle le bras de la capitaine, plongeant avec l'autre dans la besace pour sortir le nécessaire. Il anesthésie en piquant le bras. Il recoud tranquillement, mais efficacement, pressant le bras de sa capitaine un peu plus à chaque fois qu'elle manque de bouger. Il reste silencieux, son visage désespérément neutre tandis qu'elle parle. C'est comme si un masque s'était posé sur ses traits. Il ne répondit pas avant d'avoir fini son travail et de l'avoir re-panser méticuleusement. Une infection ici serait désagréable pour tous. C'est ensuite qu'il fixe les prisonniers en silence.

Malgré son air neutre, les ombres qui jouent sur son visage mettent en avant des petits tics qui le trahissent plus que milles mots. Les coins des lèvres baissés. Le regard fixe. Le dégoût.

"Je vais le faire."

Car contrairement à eux, il ne traitait pas les êtres comme une marchandise. Il sauverait tant qu'il lui sera demandé de sauver. Tant qu'il le pourra. Il prit en charge les deux blessés graves, sa silhouette immense frappant les autres officiers qui semblaient recroquevillés sous la peur du géant. Il faisait le minimum. Il ne voulait pas perdre trop de ses précieux stock sur des ordures de cet acabit, mais il le faisait avec toujours le même professionnalisme, le visage fermé.

Lorsque le médecin termine de recoudre et panser son bras, Hannabeth bouge prudemment l'épaule pour tenter de dénouer ses muscles engourdis et endoloris. La blonde a simplement hoché la tête quand En'theven a accepté de soigner les esclavagistes blessés, n'insistant pas. Beth ouvre donc le cachot pour le laisser entrer et se positionne à l'entrée avec la main sur la garde de son sabre.

"Si l'un d'entre vous tente quoi que ce soit, il ne sortira pas d'ici vivant."

Les prisonniers ne répondent pas à la menace, la plupart se contentant de garder la tête baissée ou de détourner le regard. La défaite est lourde à porter pour eux, visiblement. La blonde laisse ensuite En'theven se concentrer sur les blessés les plus graves, puis lorsqu'il a presque terminé, inspire profondément. Elle doit interroger ces ordures afin de recueillir le plus d'informations possibles sur leur organisation, sur ou ils se ravitaillent en esclaves et où comptaient-ils les vendre, ainsi que pour qui ils travaillent, si supérieur hiérarchique il y a. En'theven pourra l'aider, ce ne sera pas leur première fois. Ces esclavagistes ne sont pas affiliés à la Trinité, aussi Beth pourrait se contenter de les livrer à l'UC, mais si elle parvient à obtenir plus d'informations, elle pourra s'assurer que d'autres vaisseaux de ce genre tombent sous les canons de l'Albatros. Le Capitaine étant malheureusement tombé au combat, elle se rabat sur sa deuxième option.

"Qui est le second parmi vous?"

En'theven termina son travail et se releva. Il nettoie ses instruments dans un silence qui ne cherche rien, mais qui s’étend autour de lui comme une menace tacite. Ils ne devaient rien craindre du passif médecin, mais en vérité, devraient-ils s'en méfier ? Chaque terminaisons, chaque centre de la douleur, En'theven les avaient étudiés. Ici, en Dorado, son serment ne valait pas plus que leurs vies. Calypso l'enfant gâtée, déesse cruelle, était son guide.

Son œil cybernétique fixait les prisonniers tandis que sa capitaine posait la question. Le silence pour seule réponse. Mais En'theven reconnu les mouvements d'yeux rapides, les mouvements d'éloignement. Il s'approcha de celui qui semblait être soudainement ostracisé, pas vraiment blessé, il le força à se tenir correctement.

"Donnez vos respects à ma capitaine."

Plus empathique qu'elle, et donc plus rapide à lire les détails subtils, mais révélateurs, sur les visages des prisonniers, En'theven remarque un homme en particulier avant elle. L'attention de Beth se focalise alors sur celui-ci, dure et froide. Le trinitaire hésite à la demande du grand médecin mo'at, avec un regard chargé de dégoût pour lui qui ne plait absolument pas à la Capitaine et la fait serrer les dents. S'il a le malheur de dire quoi que ce soit de raciste à l'intention d'Eh'theven... Mais il finit par hocher la tête respectueusement dans sa direction.

"Ton nom?"

Hannabeth a de la difficulté à utiliser le "vous" dans les situations qui l'exigent, alors face à un de ses prisonniers esclavagistes, elle ne songe même pas à l'employer.

"Lionel Gérin, ma'am."

Le nom ne lui dit rien, même comme même celui du capitaine et du vaisseau lui-même lui était inconnu avant d'en avoir vent quelques semaines auparavant dans une taverne de Vanguard, ce n'est pas étonnant.

"On va d'voir discuter, Lionel. On a voulu récupérer les données d'vol pour connaitre votre itinéraire, mais quelqu'un qui s'croyait malin a tout supprimé pendant l'abordage. Donc on va d'voir récupéré l'info à l'ancienne, avec des questions/réponses."

Elle évalue un instant l'effet de ses paroles sur l'homme et les autres officiers, puis ajoute :

"Dans tous les cas, vous s'rez livré à l'UC, mais si j'note une bonne coopération d'votre part au dossier, ça peut potentiellement jouer en votre faveur pour réduire la sentence."

Comme une ombre de malheur, Enthe'ven ajouta avec une lourdeur qui ne lui était pas coutumière :

"Livré ou oublié avec les autres corps. Comptez sur nous pour un alourdissement sensible de la sentence si vous veniez à être encore plus désagréable."

Il poussa le pirate qui allait se faire interroger vers Hannabeth. La simple existence de cet homme lui donnait la nausée.

Un vague sourire amusé passe sur les lèvres d'Hannabeth aux paroles d'En'theven, et surtout à l'effet qu'elles provoquent chez le trinitaire. La blonde redevient néanmoins sérieuse rapidement et remercie son médecin de bord d'un mouvement de tête avant de lui indiquer qu'il peut continuer à soigner les autres prisonniers s'il le juge nécessaire. Sur ce terrain, la confiance d'Hannabeth envers le grand mo'at est totale et complète.

"Alors, Lionel. Dis-moi qu't'es assez intelligent pour savoir que c'est plus sage de coopérer, et tout ça sera terminé rapidement. Pour commencer, j'ai besoin de savoir quelle était votre destination finale, vos escales et ce que vous alliez y faire."

Le trinitaire hésite quelques instants, mais finit par lui offrir une liste de noms d’astéroïdes et de petites stations spatiales mineures censées êtres leurs escales, majoritairement appartenant officiellement ou officieusement à la Trinité. Quelques noms sont intéressants néanmoins et la blonde les note rapidement sur son HCom. Elle ne détache néanmoins pas ses yeux de lui plus de quelques fractions de seconde à la fois et garde une partie de son attention sur En'theven, au cas où l'un des prisonniers aurait la mauvaise idée de tenter quelque chose de stupide.

Le soigneur reste debout comme une ombre menaçante. Jamais il n'aurait un jour imaginé cette position pour lui, de celui qui intimidait pour venger son peuple. Une douleur sourde pulsait dans son torse tandis qu'il les regardaient, trop conscient des atrocités que ses monstres avaient commises. Il avait juste envie de pleurer, mais toute cette tristesse se métamorphosait en haine au fur et à mesure qu'il durcissait son cœur.

Il se tenait, en silence.

L'interrogatoire se poursuit, le second devenant de plus en plus coopératif à mesure qu'il réalise qu'il est inutile de retenir quoique ce soit désormais. Les minutes s'écoulent lentement ainsi, dans la tension générale des prisonniers dans les cellules adjacentes, mais ces derniers se tiennent tranquilles. Ses dernières questions ayant trouvé réponse, Hannabeth ramène son prisonnier dans sa cellule.

Alors qu'elle est s'éloigne, l'un des prisonniers en profite pour cracher aux pieds d'En'theven et lui glisser avec hargne et dégoût :

"Tu finiras en chaines, à ta juste place, sale chien..."

La capitaine voit alors rouge. Maintenant toujours le second par le bras, elle dégaine rapidement son sabre, le faisant passer entre les barreaux de la cellule puis s'arrêter tout juste sous la gorge du prisonnier ayant parlé. Aussitôt, plusieurs trinitaires sautent sur leurs pieds, la tension montant d'un cran malgré leur enfermement, mais Hannabeth n'a d'yeux que pour l'ordure ayant osé prononcer de telles paroles pour son médecin. Les dents serrées, elle siffle, menaçante :

"Donne-moi une bonne raison de ne pas te tuer ici et maintenant."

Le regard dans le flou, il fixe les prisonniers. On lui a craché aux pieds, mais il n'a pas réagit. Il enferme toutes ses émotions en lui. C'est plus simple ainsi. Toute son enfance avait été médicamentée pour éviter ses accès d'émotion, ses peurs et ses craintes. Il repensa à son mari. Il voyait sans le voir le sourire taquin de celui-ci.

"Capitaine."

Il pose une main, sa "vraie" main sur l'épaule de la femme. Des sauvages. Le regard qu'il porta sur l'homme était celui d'un dégoût immense, hanté d'une rage trop vieille pour être ardente. Géant de glace ténébreuse.

" Sa condition future sera pire qu'une mort."

L'homme au bout de sa lame ne répond rien, son courage ayant laissé la place à la peur et l'appréhension. Il la dégoute encore d'avantage et la pression du métal froid et tranchant s'accentue légèrement contre la peau sensible de son cou lorsque la main d'En'theven se pose sur l'épaule d'Hannabeth. Elle glisse alors un regard vers lui, comme une question silencieuse, et l'observe un instant, lui et ses paroles. Que ce soit lui qui vienne la calmer et lui demander d'épargner la vie de ce connard est d'une ironie qui donne la nausée. Fuck.

Sa lame quitte la gorge du Trinitaine, ne laissant à peine qu'une légère marque rouge là ou elle s'était posée. Elle range ensuite son sabre dans son fourreau à sa ceinture, mais alors que tout semble terminé, la blonde tend sa main libérée entre les barreaux, attrape le collet de la grande gueule et le tire brutalement vers l'avant. Son visage vient s'écraser avec une plainte de douleur contre le métal des barreaux de sa cellule et Hannabeth le maintient devant elle avec une haine noire dans les yeux.

"Tu dois maintenant ta vie à un mo'at. Prie là dessus pendant qu'tu pourriras en prison."

Elle le relâche alors et mène rapidement l'officier qu'elle tient toujours par le bras dans sa cellule. La blonde se tourne ensuite vers En'theven et lui fait un signe de tête pour lui indiqué qu'ils ont terminé ici.

En'theven hoche la tête envers sa capitaine et la suit. Il pensa au fait que Calypso aurait sans doute voulu voir cet enfoiré mort. Mais lui trouvait que c'était une porte trop facile à l'enfermement futur que promettait l'U.C. à ces gens. Il jeta un dernier regard derrière lui en s'arrêtant.

Qu'il y pense, à sa vie sauvée, tandis qu'il la perdra dans une cellule. Peut-être même, fera-t-il quelque chose de bon plus tard. Ou mourra-t-il dans un prochain abordage.

"Votre temps est terminé." lâcha-t-il avec morgue. "Comptez les quelques années qu'ils restent à vos existences dans cette galaxie avant qu'elle ne redevienne la notre."

Il suivit alors Hannabeth sans plus rien ajouter.

Hannabeth attend que le grand médecin ait terminé de s'adresser aux prisonniers qui ont le bon sens de rester silencieux. Elle referme ensuite la porte du bloc des cellules derrière elle et s'éloigne de plusieurs pas avant de s'arrêter en poussant un bref soupire. Se tournant vers En'theven, elle affiche un air toujours contrarié.

"J'suis désolé, En'the. J'demanderais à un membre de ton équipe de m'aider la prochaine fois."

Elle aurait surement du demander à quelqu'un d'autre de l'assister cette fois-ci directement, mais peu de personnes ont sa confiance comme le grand mo'at. Lorsqu'elle se dirige vers une situation délicate, elle préfère de loin l'avoir à ses cotés que quelqu'un qui a simplement les compétences pour accomplir le travail. Elle avait espéré que, comme les dernières fois, les choses se passent sans encombre, mais elle avait apparemment mal juger la volonté de ces salauds.

En'theven s'étire en écoutant sa capitaine, joue du poignet et offre un de ses rares sourires.

" La haine qu'il m'ont jeté dessus s'est déchirée avec ses simples mouvements. Elle était si fragile contre nos idées, capitaine. Ce sont là des êtres malheureux qui seront oubliés. Vous n'avez pas à vous sentir mal. Ils n'existent déjà plus. "

Ils disparaissent avec leurs nuisances. Il tapote la tête de la femme d'un air un peu paternel, juste une fois pour ne pas être trop impoli et uniquement car ils sont seuls. Dans ces moments un peu privilégié, le caractère trop professionnel d'En'the laisse place à celui qui se cache au plus profond de cette carapace.

" J'ai testé une nouvelle recette de gâteau que m'a donné la cuisinière du Runny Amber. La quantité de sucre me semblait invraisemblable et le résultat vaguement mangeable sans commencer une crise d'hyperglycémie. Passons par la cuisine avant d'aller faire les maudits rapports qu'il y a faire."

La réponse d'En'theven est telle que la capitaine s'y attendait : calme, détachée et entièrement rationnelle. Si parfaitement mesuré qu'il parvient à lui tirer une moue agacée. Ça ne lui dirait pas, parfois, d'être un peu plus comme tout le monde et de se laisser aller à la colère? Non? Non, bien sur que non, pas En'the. Hannabeth pousse un soupire, se disant que son médecin ne serait pas lui-même, cette personne qu'elle apprécie autant, s'il avait réagit d'une quelconque autre façon.

Lorsqu'il vient tapoter le sommet de son crane, néanmoins, la moue agacée d'Hannabeth revient rapidement et elle repousse sa main avec un grognement seulement à demi sérieux. Elle ne peut néanmoins cacher son sourire amusé qui s'en suit et qui ne fait que s'étirer lorsque le grand mo'at change de sujet pour lui parler de pâtisserie.

"Mmm. Bonne idée. Rien d'mieux pour se changer les idées, surtout si la recette vient en plus du Runny. J'savais pas que t'étais proche de leur cuisinière. C'est la jolie rouquine, non? Audrey?"

Il haussa les épaules.

" Je ne la connais pas particulièrement, j'ai sans doute été un brin insistant après avoir goûté l'une de ses création. Il faut bien que je m'occupe tandis que vous cherchez tous la déshydratation la plus totale pour le lendemain. "

Il se gratta le menton.

" D'ailleurs, le format corporel de certains de nos membres n'entre pas en concordance avec la quantité d'alcool qu'ils peuvent avaler. Je devrais tenter quelques expériences, peut-être découvrirais-je un moyen de faire gagner tous les concours de boisson à l'Albatros. "

Pour la première fois depuis le début de l'attaque sur le vaisseau esclavagiste, un rire  s'échappe de la poitrine de la Capitaine.

"J'ai déjà une longueur d'avance pour les concours, mais si ça implique de boire du rhum sans qu'tu m'offres un regard de désapprobation le lendemain matin, j'suis partante."

Amicalement moqueuse, la blonde vient lui donner un petit coup d'épaule - qui plutôt que d'atteindre le géant à la même hauteur vient rencontrer son coude - puis se met en route pour les cuisines. En chemin, ils croisent plusieurs membres d'équipage, la plupart en processus de retour au calme après un abordage, mais lorsqu'ils arrivent au mess puis à la cuisine, ils se retrouvent de nouveau seuls.

"J'peux t'aider avec quelque chose?"

Disons que la cuisine n'est pas son art de prédilection, mais Hannabeth sait tout de même se servir d'une tasse à mesurer et suivre une recette, alors elle ne devrait pas être une nuisance non plus.

Il pose un pad sur la table qui contient une recette. Il fixe la capitaine, un moment silencieux, puis regarde autour de lui surant un moment.

" Excusez moi, je réfléchis. Je n'ai pas l'habitude qu'on me propose de l'aide. Mon mari est effroyable dès qu'il s'agit de pâtisseries. Il sait à peine différentier le sel du sucre. "

Il poussa un soupir qui se voulait exaspéré, mais qui sembla surtout un brin mélancolique. Il frotta une dernière fois sa barbe mal rasée.

" Sortons les ingrédients pour commencer. "

En'theven la fixe un instant et Hannabeth lève un sourcil dans sa direction, intriguée. Lorsqu'il lui avoue finalement ne pas avoir l'habitude de recevoir de l'aide, la blonde roule un peu des yeux mais sourit.

En vérité, elle non plus n'a pas cette habitude et elle comprend donc un peu trop bien son médecin de bord. Elle a également du mal à accepter l'aide des autres, voyant cela trop souvent à tord comme une marque de faiblesse de sa propre part ou encore par manque de confiance envers les autres. Après tout, elle a du se battre toute sa foutue vie pour prouver à tout le monde qu'elle valait quelque chose et qu'elle pouvait s'en sortir seule.

La Capitaine rit donc simplement au commentaire du grand mo'at au sujet de son mari puis entreprend de l'aider à sortir les ingrédients nécessaires pour la recette. Ils ne parlent que peu de leur vie privée tous les deux, notamment parce qu'Hannabeth n'aime pas parler de la sienne, mais puisqu'En'theven vient d'ouvrir la porte...

"Comment va Hakim, d'ailleurs?"

En'the hausse les épaules.

"Bien. Il me donne souvent des nouvelles, mais je le soupçonne d’embellir les choses ou de les minimiser pour éviter que je m'inquiète pour lui. "

Il offrit un sourire paisible à Hana.

" Cela reste un de ses pires défaut."

Il commença alors à mesurer les ingrédients secs.

" Allumons le four en attendant, thermostat 5. "

Un léger sourire amusé et complice étire les lèvres de la Capitaine.

"Comme si tu n'faisais pas la même chose parfois."

Hannabeth est heureuse pour En'theven que son mariage soit si fort que la distance n'entache que peu sa relation avec son mari. Elle lui a bien proposé d'inviter Hakim à vivre à bord de l'Albatros, mais l'archéologue semble trop attaché à son travail pour envisager l'option.

"J'm'en occupe."

La blonde allume le four, puis revient avec un deuxième bol pour commencer à assembler les ingrédients humides. Cuisiner lui fait un drôle d'effet, comme elle ne l'a pas fait depuis très longtemps, mais travailler de ses mains et se concentrer sur les mesures l'aident à se vider l'esprit. Surtout après l'abordage qu'ils viennent de vivre, et malgré la légère absurdité de la chose, l'exercice lui fait beaucoup de bien.