N° 1 : Le second s’oublie pour le vaisseau (et son Capitaine)
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« Mais qu’est ce que j’en ai à faire des systèmes de commandement ? C’est une aide pour les senseurs et les hackeurs à la rigueur ! » « Ah parce que tu ne penses pas important d’avoir des données sûres, Madame la tacticienne ? » « Si mais, Grim, il y a tant de choses plus importantes que je pourrais apprendre ! Comme les nouvelles techniques de bataille en Flotte et… » « Tu veux bosser pour Conrad Stackborn, ma fille ? » « Oui mais… » « Alors pas de Mais ! C’est ce dont il aura besoin. Et n’oublie pas… » « Un second s’oublie pour son vaisseau. » « Voilà. Donc tu recommence.» Dans son lit d’infirmerie, la jeune femme soupire, attend que son mentor ait le dos tourné et lui tire la langue. Elle sait qu’il l’a vu.
« Un pirate qui n’a pas des yeux derrière la tête est un pirate mort » . L’ancien Maître d’Abordage aime parler en maxime. Elle reprend ses exercices, rapidement concentrée sur ses travaux. Elle a beau râler, elle n’a rien contre la difficulté, dépasser ses limites. Jusque-là, tout avait toujours été facile pour elle. Deviner les mouvements de l’adversaire, développer des stratégies, elle le faisait presque instinctivement. Elle pose la main sur son ventre abîmé par sa récente fausse-couche et le vide qu’elle ressent dans la poitrine depuis et qui aspire l’air de ses poumons. L’inaction est son pire ennemi. Elle a besoin d’un nouveau but, de s’éloigner de ces murs d’aciers qui lui rappellent tous qu’elle s’était imaginé une vie avec ce fils à qui elle parlait pendant sa grossesse. Qu’elle avait déjà nommé, au mépris des superstitions. Serge. Elle en voulait à ces camarades d’équipage, pourtant pétris de bonnes intentions qui l’avaient prévenue du risque d’annoncer l’évènement avant le troisième mois et de celui de donner une vraie identité à une crevette qui n’était pas encore sortie. Elle leur en voulait d’avoir eu raison. Elle ne pouvait pas s’empêcher de deviner, derrière leur compassion, un « je te l’avais bien dit » jubilateur. Et si sa raison lui disait bien qu’elle leur faisait un mauvais procès, son cœur, lui, restait persuadé.
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« Grim ? » « Oui petite ? » répond son ami qui n’avait jamais pu se résoudre à la voir grandir.
« Je veux descendre à la prochaine escale » « Pour aller où ? » l’étonnement se lit dans son regard. Elle est presque affolée de le décevoir, seulement elle se doit de rester honnête avec elle-même, elle se l’est toujours promis.
« J’ai quelque chose à trouver avant de pouvoir redevenir moi-même. Mon remplacement est prêt depuis une bonne année, je ne vais pas continuer à le laisser ronger son frein. Il sera meilleur que moi dans l’état actuel des choses. » « Un bon second s’oublie pour son vaisseau. » « Exactement. » « Tu vas me manquer Little Bit. » « Toi aussi Père Grimace. » N°2 Pas de succès pro sans vie perso réussie
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« Tu vas t’appeler Serge. On va t’ennuyer parce que ce sera un nom de garçon, trinitaire qui plus est mais tu leur montreras qui tu es. Une fille, une pirate, et une Serge. Je sais que tu seras à la hauteur. Tu es celle que j’attendais. » La petite la regarde avec de grands yeux bruns et sérieux qui la font fondre. Doucement, craignant presque de la briser, la jeune femme frotte son nez contre celui de sa toute nouvelle fille. Les rues de Providence, hier banales comme le sont toujours les lieux où l’on a grandi sont devenues remplies de merveilles et de mystères. Elle a déjà envie de tout montrer à la petite. La chaleur a remplacé le vide. C’est comme un soleil de tendresse. Elle respire enfin.
Elle reprend son sac, impressionnée du volume de trucs à trimballer pour s’occuper d’un machin aussi petit. Le vaisseau qu’elle vient de quitter avait sa propre nursery. Elle doit tout faire d’un coup, elle n’a jamais appris. Elle pourrait avoir peur, mais non. Elle descend la petite au niveau de son ventre où la cicatrice l’a privée à jamais de son premier enfant et du pouvoir de donner la vie. Puis, comme si elle s’empêchait de fusionner les deux Serge dans sa tête, elle la remonte.
« Tu vois, dans cette enveloppe, j’ai le nom de ton père que j’ai fait rechercher pour toi. Je ne le lirais pas, cela ne me regarde pas. Quand tu seras assez grande pour poser la question je te laisserais choisir de le découvrir ou pas, de le partager ou non. Qui que ce soit, ce ne sera pas un secret. Ma vie a toujours été pleine de choses à ne pas dire, je veux que la tienne brille de tes propres choix. Tu choisiras ce que tu planteras dans ton jardin secret. Je ne t’y dérangerais pas. Je vais te guider, c’est sûr mais au final, je veux que tu sois toi-même, que tu sois libre. Je sais que je serais toujours fière de toi. » Le bleu répond au brun, elle trouve le reflet de son propre sérieux dans ces pupilles qui, parait-il, ne voient pas encore très bien et qui pourtant donnent l’impression d’avaler le monde dans le silence. La petite main se serre dans le vide et la boule dans la gorge de la jeune femme se contracte. Magique. Serge est magique. Elle sera Seigneur Pirate. Ou fleuriste.
« Allez. On se bouge mauvaise troupe. Au fait, moi c’est Sam. Tu peux dire maman si tu veux. » N°3 Un chef qu’on hait comme un ennemi vous en protègera
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« Moi c’est Grim. C’est pas papa, c’est encore moins maman, c’est parfois votre pire cauchemar. J’vais pas vous rater, les bleusailles, parce que l’ennemi, lui, il s’en fiche que vous veniez d’arriver. Alors on plante ses pieds sur le sol, on les écarte, on oublie ce qu’on a ou ce qu’on a pas entre les jambes et on obéit ! » « OUI CHEF ! » Ils sont cinq nouveaux, trois orphelins de Providence, un fils de qui s’y croit, et un pouilleux ramassé sur Tortuga. Le bâton claque sur le sol d’acier.
« VOUS ETES SOURDS ? D’où je vous ai dit de m’appeler Chef ? Il n’y a qu’un chef ici, et on l’appelle l’Immortel ! On n’a qu’un Capitaine et on lui obéit ! Et moi, je suis juste derrière. Dix pompes. Et toi qui sourit tu me les fais sur un pied ! Ah ! Pas un mot ou je te force à les faire en lévitation. » Ils n’osent pas moufeter, pas même se regarder. Le bâton frappe à nouveau le sol. C’est comme si l’onde de choc avait jeté tout le monde à terre tellement ils font vite. Ils ont entre onze et treize ans, ils sont mousses, il n’y a que trois places dans ce vaisseau bien côté parmi ceux qui composent la flotte de l’Immortel. C’est une chance inouïe. C’est pour Sam la seule de quitter les bas-fonds de Providence. De pouvoir un jour s’élever à la hauteur de son héros, Conrad Stackborn, le type qui vient du même endroit qu’elle et qui fera de grandes choses, si l’ennemi ne le tue pas avant. Grim passe et distribue ses critiques dans le même ton fleuri. C’est le premier regard de haine et de défi qu’elle lui envoie. C’est carrément pas le dernier.
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« Fitzroyse ! C’est quoi ce travail ?! Tu me fais briller ce pont ou je me sers de tes cheveux comme serpillère ! » « Oui Grim ! » Il brille DEJA le pont, elle peut limite se voir dedans, trop maigre, sans forme, quinze ans. Ils ne sont plus que deux du groupe du début, elle et Marty. Ils ne s’entendent pas trop, ni amis ni ennemis et surement pas amant, il a le nez de travers et elle ressemble trop à un garçon. Le troisième reçu, une autre fille qu’elle aimait bien s’est faite tuer deux ans auparavant, vite remplacée par d’autres oubliés de Dorado. L’image de ses yeux bleus la fait sourire. La calotte qu’elle reçoit alors la ramenant bien vite à la réalité.
« C’est ça, regarde-toi, sûr que l’ennemi, il va attendre que tu aies fini de te refaire une beauté. AU TRAVAIL ! Pour la peine tu m’astiqueras l’argenterie du Capitaine. Puisque tu as l’air d’aimer astiquer. » Pour le coup, la jeune fille devient pivoine au sous-entendu. Bien sûr qu’elle adore le Capitaine mais pas pour ça, pas comme ça. Elle devrait avoir l’habitude de ce genre de langage. Chez les pirates y a un peu que ça (et le rhum qu’elle a gouté pour la première fois à treize ans mais qu’elle n’est toujours pas sûre d’aimer vraiment) seulement quand c’est Grim qui le dit, c’est différent, c’est un peu comme entendre ses parents parler de fesses.
« C’est toi qui aimerait que je t’astique vieux cochon » Le murmure est sorti tout seul. Grim se retourne d’un bloc. Il a récemment été nommé Maître d’Abordage et par les Seigneurs Pirates, ça se sent. Le gars il est souplesse et force en un seul bloc, comme une montagne. Elle a le cœur qui bat à cent à l’heure. Elle ne baisse pas les yeux pour autant.
« Tu me répètes ça moustique ? » « C’est toi qui aimerait que je t’astique, vieux cochon, Grim ! » répète-t-elle, sérieuse comme le Pape Trinitaire, prête à prendre la raclée de sa vie. Le bâton part. Elle a prévu la trajectoire, esquive puis bloque avec son balai. S’ensuivent deux minutes de combat intense se terminant avec une Sam sur le sol, le bâton sur la gorge. D’un coup, l’homme se met à sourire, une grimace qui mérite bien le surnom qu’il se donne. Il lui file un coup dans les côtes qui la fait suffoquer et la libère.
« Tu me laves ce pont, tu astique l’argenterie, tu fais la plonge du mess du soir et tu viens me retrouver à la salle d’entraînement pour le quart du matin moustique. » ***
« Sam ! Tu peux m’expliquer pourquoi tu as lancé ta brigade à l’assaut par l’aile droite au lieu de t’en tenir au plan prévu ? Tu te crois plus intelligente que le Capitaine c’est ça ? » L’engueulade était prévue, il y en a toujours une quand on ne respecte pas les ordres à la lettre. Ce n’est pas parce qu’ils sont pirates qu’ils ne doivent pas être disciplinés, surtout contre des soldats de l’Impérium, la meilleure armée humaine au monde.
« Parce que, Grim, j’avais vu qu’ils avaient une batterie et en les prenant par la droite, j’évitais les pertes et préservais l’esprit de surprise. Le Capitaine, il n’avait pas pu prévoir la batterie c’est tout. » « Le Capitaine il n’avait pas pu prévoir, le Capitaine il n’avait pas pu prévoir. » Elle déteste quand il la singe avec cette voix de fausset surtout que du haut de ses vingt ans, elle a enfin des formes, vaguement et qu’elle en est fière. De ça et de sa voix grave mais féminine. Rien à voir avec les accents moqueurs du Maître Artilleurs. Elle s’attend à un taquet, se tend mais rien ne vient.
« Grim ? » Cette immobilité l’effraie un peu. Elle craint soudain de l’avoir déçu pour de vrai. Grim distribue TOUJOURS des taquets. Un supérieur que l’on déteste comme un ennemi vous en protègera. Peut-être qu’il ne veut plus l’en protéger. Avec le temps, l’équipage était devenu sa famille mais c’était Grim qui en était la figure de proue. Toujours à la pousser vers l’avant. C’était pour lui qu’elle se dépassait sans cesse et était parmi les plus jeune à la tête d’une brigade, pressentie pour devenir officier. Elle adulait Stackborn, elle était amoureuse du Capitaine mais le plus proche de son cœur, c’était le Maître Artilleur.
« Vous avez entendu vous zautres ! C’est Sam qui vous a sauvé les miches alors le premier que je reprends à sous-entendre qu’elle ne commande que parce qu’elle a un beau cul, il peut se la mettre derrière l’oreille rapport qu’il pourra plus jamais l’utiliser. » N°4 On doit la vérité à ses supérieurs, le mensonge à ses ennemis et le silence à ses alliés
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Elle est un peu nerveuse. Habillée comme souvent d’un pantalon de toile coupé au niveau des chevilles et d’une tunique stricte qui fait office d’uniforme, elle monte pour la première fois sur le pont du Liberty. Serge, tenue par un carré de tissu savamment plié pour faire sac à dos babille doucement. A côté d’elle, un caisson de l’UC la suit, transportant toutes leurs affaires. Toute une vie. Ca y est. Elle est Seconde. Du Liberty. Elle a rencontré Stackborn dans une taverne miteuse autour d’un rhum. C’était irréel. Une rencontre arrangée par Grim et d'autres officiers de son vaisseau, avec la bénédiction de l'Immortel. Elle sait qu'il cherche un second et c'est pour ce poste qu'elle a postulé. Directement. Alors, pour qu'il lui fasse confiance, elle lui a raconté, sous le sceau du secret ses origines, sans dire qu’elle les tenait d’oncle Thaddeus. Au moins, si elle quitte Grim, elle ne va pas dans l’inconnu le plus complet.
« Tu vois Serge, on va rencontrer Oncle Tad » Elles sont dans leur cabine, en sécurité. La petite est allongée sur le lit, jouant avec ses pieds et le mobile en bois à l’effigie des bêtes de Renaissance.
« Je vais te raconter un peu mes origines mais tu dois ne jamais oublier que c’est un secret. Si ça se sait, il peut y avoir de gros problèmes. » Sensible au ton de sa mère adoptive, la petite commence la moue qui précède souvent les pleurs. Sam se baisse, embrassant le nez de sa toute petite.
« Ne t’en fait pas Little Bit, je sais que tu ne diras rien. » La crise s’éloigne et c’est sérieuse, maintenant, que le bébé met une mèche blonde dans sa bouche.
« J’ai grandi dans le même orphelinat où on t’a déposé. J’étais bien moins jolie que toi alors personne ne m’a adoptée. Mais j’étais pas triste, j’ai appris plein de choses chouette. Et quand j’avais six ans, j’ai rencontré Oncle Tad. Il m’a dit qu’il était un ami de mon vrai père. J’ai même cru, au début, que c’était de lui qu’il parlait mais non. En fait, mon père s’appelait Antonio Di Rozas. Il était pirate, bien sûr et il était le compagnon de la féroce Alvarez ! Pas Jezabel, celle d’avant, avec le nom imprononçable. La Alvarez, elle était devenue folle. Tu entendras plein d’histoires sur elle, je ne veux pas que tu aies peur, je ne serais pas comme elle. Elle était enceinte de Hannabeth Alvarez quand mon père a rencontré ma mère. Ils n’étaient pas vraiment amoureux, tu verras vite comment ça marche, les filles et les garçons mais voilà, j’ai été fabriquée. Les bébés, ça se fabrique quand les filles et les garçons se font de gros gros câlins. Bref. Oncle Tad va t’expliquer ça quand tu auras l’âge. Donc mon papa c’était Antonio Di Rozas et ma maman une mo’at et c’est Oncle Tad qui m’a déposée à l’orphelinat et a veillé sur moi. Le truc c’est que vu que Maman Alvarez avait de la saumure entre les oreilles, valait mieux pas qu’elle le sache, elle m’aurait fait tuer ce qui aurait été dommage hein. Surtout pour moi. Maintenant, c’est elle qui est morte, donc on est tranquille sauf que je veux attendre encore un peu. Grim disait toujours « On doit la vérité à ses supérieurs, le mensonge à ses ennemis et le silence à ses alliés » Mes sœurs, ce sont mes égales, j’ai pas besoin de leur dire quoi que ce soit et je suis pas prête. Tu dois donc savoir que tu as deux super tantes. Jezabel, Capitaine du Nemesis et Hannabeth, Capitaine de l’Albatros. Bon, c’est un navire corsaire mais voilà quoi, elle est cool quand même. Je l’ai rencontrée tu sais. Mon papa, ton grand père, il est mort attrapé par les Corpo. C’est pas de bol mais bon, c’est les risques du métier. On a Grim pour ça. Il a quitté le vaisseau lui-aussi. Quand tu sauras marcher, on ira le voir. » ***
« Elles sont comment, mes tantes ? Tu crois qu'on les rencontrera, un jour ? » Sam se baisse, attrape sa toute petite fille et la pose sur ses genoux. Elles sont seules sur le Liberty. Stackborn est parti boire et la majeure partie de l’équipage est en permission. Quand il reviendra, elle sortira à son tour. Cela ne la gêne pas de rester ce soir. Elle aime ces moments calme avec la petite. C’est qu’elle grandit si vite. Et en même temps elle reste immuablement merveilleuse.
« La plus grande s’appelle Jezabel Alvarez. Elle porte toujours un tricorne, comme toi, avec une grande plume blanche. Elle parle un peu bizarre, genre elle « n’a guère envie de se mêler à la populace moutonnière qui peuple les factions » tu vois ? » L’imitation est mauvaise, elle s’en fiche, le ton est là. Deux bestioles viennent se lover contre elles. La cabine est un nid. Elle l’aime comme ça.
« Elle est grande et fine, elle a les mêmes cheveux que moi et des yeux bleus mais froid. Et elle a aussi une fille qui s’appelle Jillian qui est ta cousine. C’est une femme sympathique. On dit qu’elle est froide et meurtrière et ce n’est pas faux, elle a un style de piraterie très violent et je ne veux pas trop que tu traines avec son équipage mais elle, elle est plus sensible qu’elle le dit. Elle couche beaucoup. Comme le Capitaine. Il parait qu’elle cout elle-même ses tenues. Si tu veux, je lui demanderais de te faire un super tricorne du Nemesis, ça te dirait ? » Elle ne parle pas de cette curieuse soirée où sa sœur lui a fait du rentre dedans. Cela fait partie des rares choses qu’elle taira toujours à sa fille. Elle ne veut pas que celle-ci aie de plus mauvais modèles que ce qu’elle a déjà. La famille Alvarez est vraiment trop compliquée pour une petite de trois ans.
« Hannabeth aussi a les cheveux comme nous. » Elle remet une mèche derrière son oreille.
« Mais sinon, elle est très différente. « Elle a un accent un peu com’ça t’vois pis elle jure aussi, fuck you Fitzroyse, d’où tu m’imite, c’pas drôle ». Elle a aussi un super petit chien qui ressemble à une saucisse sur patte. Elle est très gentille, très loyale, sauf qu’elle se prend un peu trop pour un gars, comme si elle n’assumait pas d’être capitaine et fille. Elle aimait beaucoup notre père. Quand ils l’ont pris, les vilains de l’UC l’ont obligée d’être corsaire. Le problème, c’est que Jezabel et Hannabeth ne s’aiment pas du tout alors elles se font la guerre et ça, c’est très triste. Toi et moi Serge, on sait ce que c’est que ne pas avoir de famille. On sait à quel point c’est précieux. Elles, elles ont trop eu alors elles ne savent pas. C’est pour ça qu’il faut pas dire qu’elles sont tes tantes et mes sœurs. On va attendre de qu’elles grandissent dans leur tête. Je t’ai expliqué que les gens ils ont pas le même âge dans la tête que sur les doigts. Ben mes sœurs, dans leur tête, elles sont stupides comme des adolescentes. Comme les mousses tu sais qui font des bisous et deviennent tout rouge et qui font que des bêtises. Toi et moi et la ménagerie, on est plus grands que ça dans nos têtes. On sait attendre le bon moment. » N°5 Le jus de pomme c’est bon pour la santé
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« Bon, Serge, j’ai une mission pour toi. » Elle a sept ans la petite, l’âge de raison parce qu’elle a toujours raison. Sam n’a jamais cessé d’aimer sa fille, pas une seconde et elle s’en occupe de son mieux. Pendant l’attaque des mutants, elle l’a fait bosser comme les autres alors qu’ils tentaient de détruire la frégate qui larguait ses cadavres sur le Capitaine.
« Tu sais que Stackborn et Ni’oh ont été ensemble. Tu sais que c’est plus le cas et que depuis le Capitaine il passe son temps avec sa bouteille et sa stupide carte. Donc, ta mission, si tu l’acceptes, c’est de dire au Capitaine qu’il fait n’importe quoi. » La petite a les yeux qui brillent, une expression déterminée sur le visage. Les missions c’est important. Sam sourit. Même si elle n’est pas toujours d’accord quant à la relation entre le Capitaine et sa petite mystique aveugle, la prunelle de ses yeux et bla et bla et bla, elle le préférait quand il couchait avec et souriait bêtement plutôt qu’englué dans une mélancolie malsaine. Les cartes, ça tient pas chaud la nuit.
« Je peux le faire ! » et voilà la gamine qui part sur un plan démoniaque à base de « parler comme les grands » et de jus de pomme.
« Parce que le Capitaine il aime bien parler autour d'un verre et le jus de pomme c'est bon pour la santé. » conclue-t-elle, convaincue.
Mère et fille continuent de parler longuement dans la nuit alors que les pensées de l’aînée se dispersent. Elle aime bien la mystique, au fond, si seulement il n’y avait pas cette histoire avec le Capitaine. Tout ça, c’est malsain. Comme la plupart des relations homme-femme, au fond. Distraitement, elle pose la main sur la cicatrice sur son ventre. Depuis ce jour qui a coûté la vie au premier Serge et à son père, elle s’est reconstruite. Il n’y a maintenant que de l’amour en elle. Plus l’ombre d’une douleur. Mais si elle a fait une place aux femmes dans son lit, plus jamais elle ne s’est donné à un homme. Serge s’est endormie, tête sur la table, son verre vide tombé sur le bois. Elle la prend dans ses bras et la borde tout doucement.