You were always close, like you were never gone [Enguerrand]

Elle fronce un peu les sourcils, se renfrogne, fait le poisson avec sa bouche. Peu sûre si son intervention lui vaudra les faveurs de son père, certaine du contraire, mais en même temps ça la démange ...

- Les morts doivent être vengés ! C'est ... La justice pirate ! C'est ce qui nous donne la force de continuer à nous battre. La rage. Vous allez dire que j'suis jeune, c'est vrai hein, mais j'en ai vu des gars se faire éventrer. Les boyaux qui volent partout, les mecs qui pleurent les pertes ... Bah aucune de leur mort n'a été inutile. Ma plus belle mort, ce sera au combat ! Pour la liberté, M'sieur de Cassagnac, pas seulement la mienne, celle de tout l'équipage !

Il écoute mais n'est pas convaincu.

"- seule la discipline de combat compte. Mourir pour venger un frère d'arme c'est entrainer la mort d'autres frères d'armes. C'est stupide, et égoïste. Seul le capitaine ou le maitre d'abordage peut user de cet argument pour rallier ces troupes et leur donner du moral. Certainement pas un simple pirate. Quand tu seras capitaine, tu pourras te jeter dans ce genre de bataille. En attendant tu obéis aux ordres du maitre d'abordage."

Il ne compte pas se faire tuer parce qu'une imbécile refuse de reculer de manière stratégique. les pirates ne sont pas des rebelles, mais bien des opportunistes. Et lorsque les choses tournent mal ils sont doués pour s'enfuir. C'est un trait qui lui convient estimant qu'aucune cause ne vaut sa mort.

Elle voudrait protester, s'insurger devant tant de froideur, d'indifférence, mais reste muette. Un chouïa déconfite devant son paternel. Est-ce là la mentalité de l'homme qu'elle pensait être un pirate émérite ? Elle détourne le regard, un peu déstabilisée.
- Je pense pas pouvoir un jour être capitaine, M'sieur. Vous m'avez regardée ?

Dans un tic nerveux elle agite son bonnet sur sa tête.
- Dites ... Pourquoi vous êtes devenu pirate ?

"- parce que j'aime pas les imbéciles, spécialement quand c'est des supérieurs. En tant que pirate je peux changer de navire si ça me chante ou cogner les cons à terre. J'aurais pu faire mercenaire, mais ils vivent que pour l'argent, sa manque de panache. Un jour j'ai rencontré un capitaine pirate, un vrai, un homme flamboyant comme toi, mais capitaine. Il m'a respecté et m'a offert une place sur son navire alors que je venais de décimer une partie de son équipage. J'ai dit oui." raconte le Passeur.

D'habitude il ne parle pas de ce genre de chose. Mais la petite à cette lueur au fond des yeux et sa question est un bon exemple de comment les gens comme elles peuvent inspirer les autres.

Dayanara hoche la tête lentement, gigote un peu sur ses jambes, mal à l'aise d'être aussi statique. Elle arrive un peu mieux à cerner le personnage mais n'est pas tout à fait sûre de ses propres sentiments à ce propos. Elle ne peut que remarquer les différences notables entre eux, mais a-t-elle des raisons d'être déçue ? Il est fier et farouche, comme elle, au final.
- On vous appelle Toor'kran hein ? Ca veut dire quoi ?

Elle se rend bien compte d'être un peu trop curieuse, mais après tant d'années d'attente, chaque seconde passée auprès de lui compte, et doit compter.

C'est un animal de Renaissance. Noir, dangereux et particulièrement redouté des Mo'at. Ce sont eux qui m'ont surnommé ainsi. Je n'attire pas spécialement la sympathie des autres pirates et je suis sans doute l'un des plus dangereux bretteurs de ce coin de galaxie. résume-t-il à la petite curieuse. Les légionnaires m'appelaient le Passeur... rapport à ma façon chirurgicale de donner la mort à de nombreuse personne en un temps limité sans que ça ressemble pour autant à une boucherie.

Dayanara observe avec un brin d'émerveillement l'homme qui lui fait face. Elle en a entendu des histoires à son propos ; des récits de ses exploits, des rumeurs sur ses facultés extraordinaires. Mais l'entendre de la bouche d'inconnus n'a pas la même saveur. Les mots d'Enguerrand rendent leur légitimité à tous les rêves que la jeune fille a pu accumuler au sujet de son papa. Elle est si heureuse d'être enfin avec lui, si fière d'être sa fille. Ce sont des années de douleur et de solitude qui s'estompent, et peu importe qu'il sache ou pas, la vérité qu'elle chérit lui suffit.

Son minois se plisse un peu alors que les larmes perlent au coin de ses yeux. Arrête de faire le bébé. Elle fait mine d'aller raccrocher l'épée d'entrainement au mur pour lui dissimuler son visage :
- Ah ah, bah dites donc c'est pas rien ! Vous devez pas avoir que des amis là dehors, j'suis sûre. Dois y avoir quelques primes sur votre tête nan ?

"- je me suis fait discret en dehors des abordages. C'est le secret de la longévité. Les pirates me connaissent, je brise la loi en étant dans une équipe d'abordage, mais en dehors de ça j'essaie d'être sage et discret. Ca manque de panache comme dirait mon ancien capitaine. Mais je suis toujours en vie." explique le pirate.

La petite est sans doute la personne la plus curieuse qu'il ait rencontré. Même Sven l'est moins. De toutes façon il s'entend toujours mieux avec les jeunes qu'avec les plus vieux. Paradoxe étrange chez lui.

Elle prend une grande inspiration pour effacer tout son émoi et se retourne avec son habituel sourire qui lui grignote jusqu'au début des oreilles.
- De c'que j'en dis vous avez quand même beaucoup de panache M'sieur de Cassagnac ! Enfin, assez au combat pour pas en avoir besoin tous les jours héhé ! J'suis sûre que les gars vous imaginent dormir avec votre épée sous l'oreiller tiens !

Il écoute ce que raconte la fille et presque sourit intérieurement. Il n'a pas de panache, il est efficace, mortellement froid et efficace. Mais sans doute que dans les yeux de certains cela pourrait se traduire par du panache. Il ne sait pas en fait, l'image n'a aucune importance pour lui, tout ce qu'il cherche c'est atteindre la perfection.

"- il existe d'autre façon de dormir." demande-t-il alors.

C'est de l'humour pince sans rire... sauf que c'est vrai. Il dort avec son épée à portée de main. Toujours.

Elle cligne trois fois des yeux, bouche bée, avant d'éclater de rire. Bruyamment, très. Son rire résonne dans la salle d'entraînement comme si elle était branchée sur haut parleur. Pliée en deux, une main claquant sa cuisse alors qu'elle s'esclaffe.
- Bah vous êtes vachement drôle en fait ! J'vois pas pourquoi les gars vous appellent la tombe ... Et le glaçon ... Et ... Boarf, d'autres trucs !

"- Parce que je ne suis drôle que rarement avec les gens. dit-il alors. La plupart des gens ne me donnent pas envie de faire de l'humour avec eux.

Mais pour une raison étrange il s'entend toujours mieux avec les gamins, et c'est une grande gamine. Certes moins que les autres avec qui il parvient à créer des liens. Mais quand même.

Elle a les yeux qui pétillent quand elle répond :
- Je dois être spéciale alors !

Ca lui fait tout drôle, ce presque moment de complicité, encore un peu et elle pourrait s'imaginer une réunion père-fille tout ce qu'il y a de plus classique. Un moment où il lui tapoterait l'épaule et lui dirait "C'est bien Daya". Elle secoue la tête, arrête de rêvasser ma grande !
- Vous avez beaucoup voyagé M'sieur de Cassagnac ?

"Oui... et oui." dit-il simplement. "J'ai fait toutes les Factions et ensuite j'ai écumé Dorado.

Elle s'assoit en tailleur devant lui, se balançant de droite à gauche en faisant mine de réfléchir :
- Z'avez bien de la chance. Nous on accostait pas trop à bord du Gladios, juste pour les provisions puis c'était rapide ! Quelques tours à Tortuga parce que bah ... Les mecs hein. Mais j'aurais bien aimé voir d'autre trucs ! J'ai vu Esperanza aussi, quand même, c'était chouette ! Avec Jillian, c'est là que je l'ai rencontrée en fait. Parce qu'on s'était déjà vues avant. Ce qui est marrant parce que du coup je lui ai dis que je cherchais -

Elle se fige dans son babillage et glousse nerveusement, tire sur son bonnet et détourne le regard avant de poursuivre :
- Quelqu'un. Un ami de ma famille. Enfin bon ! C'était loin. Voilà. Et vous, c'est quoi votre endroit préféré en Dorado ?

La petite cherche quelqu'un... comme beaucoup de gens en Dorado. C'est l'endroit idéal pour se cacher, se faire oublier ou couper les ponts avec son ancienne vie. Il va poser l'épée d'entrainement dans un râtelier prévu à cet effet et il sort ensuite un cigare de sa poche. C'est un petit, il ne garde les gros que pour d'autres occasions, il n'a plus un sous qui vaillent en ce moment. Ces habits sont la preuves de son extrême pauvreté, propres, mais rapiécés de partout.

Il note la pause dans sa phrase, visiblement elle ne tient pas à partager ce qu'elle recherchait. D'ordinaire il n'en a cure, mais pour le coup la petite lui pose plein de question et il fait l'effort de répondre alors il attend un peu de franchise de la part de cette dernière.

"- qui cherchais tu ?" demande-t-il en prenant le temps d'allumer son cigare.

Son endroit préféré ? Il ne s'est jamais posé la question. Mais la réponse vient assez rapidement en fait. Rien d'original mais il n'a jamais affirmé l'être.

"Les montagnes flottantes de Renaissance." dit-il simplement.

Ce n'est pas plus compliqué que cela. Certes l'espace est important pour lui, mais il n'est pas comme elle ou les pirates de son genre. Dévorés par la soif de rester proche de lui. Non. Enguerrand pourrait décrocher de sa vie de pirate et aller s'installer sur un des rochers flottants.

Elle garde le regard fixé sur le mur quand elle répond :
- Un vieil ami de ma mère. J'ai plus ou moins ... Quelque chose qui lui appartient. Ouais.

Elle se frotte le bout du nez nerveusement en s'agitant un peu. Dire la vérité la démange. Tellement. Mais ça semble trop tôt, trop vite. Elle veut le connaître d'abord, qu'il la connaisse aussi. Elle veut maximiser ses chances de ne pas être abandonnée, encore. Et puis, plus longtemps elle garde le secret ... Plus elle retarde le moment où tout pourrait basculer. Elle est heureuse, là comme ça, juste à lui parler. Cela lui suffit amplement. Du moins elle tache de s'en convaincre.
- Les montagnes flottantes hein ... J'ai jamais vu ça moi ! J'aimerai bien. J'ai envie d'explorer tout Dorado !

Elle ne veut pas lui expliquer l'histoire, ça ne le dérange pas, il comprend.

"- Tu es au bon endroit pour explorer en toute liberté Dorado. Les vaisseaux pirates se rendent partout et permettent d'explorer toutes les planètes ainsi que les confins du système. Il y a de nombreuse station spatiale et petite exploitation sur des planètes mineures." explique le pirate.

"Pour l'ami de la famille tu devrais aller voir la soeur de la capitaine, Hannabeth Alvarez, capitaine de l'Albatros. Si tu cherches quelqu'un... c'est elle qui pourra la retrouver. Surtout si elle fait partie de la piraterie."

Daya a les yeux qui brillent alors qu'elle s'enflamme :
- Si on accoste sur Renaissance, vous me montrerez, dîtes ? Les montagnes flottantes ?

Elle hoche la tête en écoutant la suite, détournant soigneusement le regard, tapotant des doigts sur ses cuisses en cadence. Son corps a toujours tendance à trahir sa nervosité. Il est bien sympa à vouloir l'aider comme ca pourtant. A l'aiguiller dans sa recherche d'un homme qu'il ignore n'être autre que ... Lui même.
- Ouais euh, à l'occas' j'pourrais lui demander !

Elle s'arrête une seconde, hésite un peu et glisse un regard craintif vers lui en disant, à voix basse :
- Est-ce que vous avez déjà ... Cherché à retrouver quelqu'un ?

La question est étrange. Parce qu'il se trouve que oui.

"Et bien j'ai entendu dire qu'une personne pouvant être mon gamin était quelque part en Dorardo. Je devais participer à un gros raid, une attaque de convoi de durillium, mais j'ai préféré abandonné malgré le fait que j'avais besoin de l'argent. Au lieu de ça je me suis rendu sur Esperenza pour rencontrer un contact. Mais le Runny Amber s'est fait attaqué par des escalavagistes alors il ne s'est jamais pointé." explique Enguerrand. Au final je ne sais pas si c'est une rumeur ou la réalité.

Elle se tend un peu, tachant de rester de marbre malgré ses membres nerveux.
- Un gamin hein ... ? Wah ca a du être un choc pour vous nan ... ? Vous étiez pas au courant ?

Elle joue avec son bonnet en attendant la réponse, se demandant s'il y a quelque chose sur son propre visage qui rappelle celui de son géniteur. Pas grand chose à première vue ... Ca la déçoit, un peu.

"Si je savais que je laissais ma compagne alors qu'elle était enceinte. Mais j'étais devenu un fugitif et à l'époque je n'avais pas la fibre paternelle." dit-il alors. "Je ne sais pas si je le suis plus désormais mais j'ai un bébé et aucune raison me force à partir. Alors on verra."

Elle hoche la tête lentement, se sentant un peu triste, sans trop savoir pourquoi.
- Et vous avez pas voulu la revoir, votre compagne ? Pourquoi vous êtes devenu un fugitif ?

Elle a envie d'entendre sa version de l'histoire. Elle a envie de savoir si elle doit vraiment lui en vouloir.

"Le frère de ma compagne m'a défié en duel parce qu'il ne supportait pas qu'on se fréquente. Sur le principe il avait raison parce qu'elle est tombée enceinte hors mariage. Et que là bas se marier avec un étranger c'est pas toujours bien vu. Après il avait tort parce que j'avais des sentiments pour sa soeur, vraiment." commence Enguerrand.Il a perdu, et les duels ne sont autorisés qu'entre noble, alors les autorités m'ont donné la chasse.

Elle pince les lèvres, dissimule son regard assombri derrière son bonnet et marmonne :
- Si vous l'aimiez vous auriez du ... J'sais pas, vous enfuir avec elle, par exemple. Rester avec elle, en fait.

Elle se sent un peu nauséeuse pour le coup. Sait-il qu'Isabella est morte ? Sait-il qu'il a laissé derrière lui, en toute ignorance et sans le moindre intérêt, une orpheline qui a dédié 20 ans de sa vie à espérer voir un jour son père ? S'il était resté à leurs côtés, s'il avait assumé son rôle de père ... Serait-elle encore en vie ?
Elle joue avec la médaille sous son t-shirt, les dents serrées.

"Sans doute." dit le pirate. "Je vis pour l'épée, je doute que j'aurais fait un bon mari ou même un bon père. Elle est certainement plus heureuse sans moi. Mon maitre d'arme est un type bien. Je suis certain qu'il aura fait ce que je lui ai demandé."

Il regarde la petite qui agit de manière étrange quand même. "Les marins et encore plus les pirates sont égoïstes petites. L'appel du grand large est souvent plus fort que celui de la famille à terre. Et c'est encore pire pour les bretteurs comme moi."