Caractère
Azel est compliquée. Comme beaucoup de gens, vous allez me dire. Et c'est normal. Mais Azel, elle est spécialement compliquée. Disons qu'elle se créé des problèmes toute seule, dans son crâne déjà bien trop plein. Elle rêve de se venger. De cet homme qui a eu tant de violences pour elle, de ces personnes qui l'ont abandonnée à son sort.
Azel est têtue. Terriblement têtue. Une fois qu'elle a une idée en tête, impossible de la lui enlever. Et plus que tout, elle est joueuse. Lui lancer un défi ? Mauvaise idée. Elle sautera dans l'occasion et fera tout pour gagner le pari, elle déteste perdre. Il n'y a qu'à l'observer quand elle joue à ses jeux vidéos et qu'elle perd sa partie... Une vraie furie.
Donc, si vous êtes certains de gagner votre parie, lancez-lui un défi. Elle se fera avoir et vous gagnerez. Parce qu'elle aime jouer et ne peut jamais refuser le jeu. Comment on appelle ça ? Le démon du jeu. Le démon si féroce du jeu. Elle se contient, difficilement. En ligne, c'est une accroc. Elle joue. Moins aujourd'hui. Parce que moins l'occasion. Elle y trouve cependant toujours quelques minutes, pour la nostalgie. Parce qu'elle est accroc. Et comme dit plus haut, les membres du vaisseau ont bien remarqué que c'était une accroc aux défis, prête à tout pour gagner. Le jeu, son point faible. Le hasard est un besoin.
Azel est aussi une petite boule d'énergie. Elle aime rire, elle aime jouer. Et plus encore, elle aime la pâtisserie, le rose et manger. Comment ? Oui, Azel a toujours quelque chose en poche ou en bouche. C'est un trou à nourriture, du matin au soir. C'est presque si elle mangerait pendant la nuit, dans son lit.
Elle parle aussi souvent toute seule, une petite voix dans sa tête se mettant souvent en travers de sa route pour calmer ses ardeurs. Sa conscience ? Non, juste son instinct de survie. Une petite aide pour rester en vie. Parce qu'elle est maladroite, cette petite, et fonceuse. Elle se fait souvent mal dans les coins de tables.
Azel ne donne jamais sa confiance. Pas au premier venu, en tout cas. Elle en a souffert, de la donner. Elle a cru pouvoir faire confiance, on l'a trahi. Alors elle ne donne plus sa confiance, il faut des années pour l'obtenir. Pour l'instant, seul James l'a. Il est resté à Esperanza.
Alors, Azel est extrêmement suspicieuse, elle cherche toujours à connaître la personne qu'elle a en face d'elle.
Elle ment aussi, beaucoup trop aisément. Elle n'aime pas donner des informations personnelles. Ce qui coïncide avec cette confiance qu'elle ne donne que rarement, avec beaucoup de temps. Et c'est une très bonne menteuse.
Autrement, Azel a été gentille, lorsqu'elle était jeune. Aujourd'hui, elle montre les crocs rapidement. Même si elle garde une âme d'enfant qui s'amuse à faire parfois quelques farces aux personnes qu'elle considère comme étant celles qui se rapprochent le plus “d'amis“.
Seulement, elle peut s'énerver aussi vite qu'elle peut rire. Une vraie girouette. En règle générale, elle est de bonne constitution, de bonne humeur. Toujours un sourire aux lèvres. Elle a vécu bien pire que de vivre sur un vaisseau pirate. Là au moins, on la respecte.
Azel n'a plus aucune confiance au sexe masculin. Impossible qu'un homme la touche. Hors de question qu'ils posent leurs mains immondes sur elle.
Histoire
« Où je suis née ? Qu'est-ce qu'on s'en fout. On m'a lâchement abandonnée alors que je n'étais qu'aux premières secondes de ma vie. Abandonnée, prématurée. Ces lâches incapables d'assumer leur choix...
Je m'appelle Azel Jones.
Azel. Prénom donné par ma famille d'accueil.
Jones. Le nom de celui qui m'a tout appris.
Abandonnée dans l'astroport d'Esperanza. Confiée à un couple de l'Union Corporatiste, propres sur eux. Vêtements ajustés, sourires blanc craie collés sur le visage, une réputation. Dans leur faction, mon “père“ était respecté. Travaillant pour Anthema. Ma “mère“ ? Une bonne à rien. Dévouée à cet homme, sourire idiot planant sans cesse sur ses lèvres rouge coquelicot. Asservie d'une alliance d'or à son doigt. Et incapable de penser par elle-même...
J'ai eu une enfance gâtée, d'après certains. Mes souvenirs à moi sont légèrement différents. Extrêmement différents. Je me souviens du regard de leur fille, Clara. Haine. Elle m'a toujours détestée, voyant en moi celle qui la détrôna de sa place privilégiée. Elle n'était plus unique. J'étais là, étrangère.
J'ai été heureuse, jusqu'à mes treize ans. Je suis allée à l'école, ils m'ont tout offert. Trop gâtée. Couvée. Alors que je n'étais personne. J'aurais pu leur en être reconnaissante, j'aurais pu être une des leurs. Si tout avait été différent.
Le lendemain de mes treize ans, l'enfant grandit. Le lendemain de mes treize ans, cet homme qui se faisait passer pour mon père est venu dans ma chambre. Au début, il ne faisait que me regarder dormir. Je l'ai surpris. Il s'est levé, m'a caressé la tête et m'a sourit avant de sortir de ma chambre.
Et les choses sont allées si vite, l'enfant que j'ai été n'a pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Il m'a violée. Et cette “mère“ l'a su, elle a fermé les yeux. Incapable de quoique ce soit, trop obnubilée par son époux. Elle refusait de croire en la vérité.
Sauf que je n'étais qu'une enfant. Victime d'un homme violent et d'une femme asservie. J'étais bien trop effrayée pour en parler à qui que ce soit, c'est cette année-là que je me referme.
Ma chambre devient mon refuge, je demande des livres. Et je m'enferme dans mon monde, me contente de subir. Sans rien dire. Qu'aurais-je pu faire ?
Les années passent, je grandis. J'atteins quinze ans, je me lance dans le virtuel. Jeux vidéos, tout ce qui peut me faire oublier, j'enregistre des données dans mon esprit, j'apprend. Je lis beaucoup et je m'intéresse à l'informatique. Pour oublier. A l'école, je suis douée. Je rapporte toujours plus de bonnes notes, je rend fière ce père corporatiste, il est certain qu'il pourra faire de moi le parfait successeur.
C'était sans compter mon désir irrépressible de le fuir...
J'ai dix-sept ans, je découvre que je suis adoptée. Encore une fois, je fouille dans les tiroirs de ma soit-disante mère pour lui voler de l'argent, pour m'acheter le dernier jeu qui me fait de l'oeil. Le seul que je n'ai pas encore essayé. Ils sont tous dehors, je suis seule à la maison. Alors j'en profite. Et je fouille partout, dans l'espoir de trouver quelque chose d'intéressant.
Je tombe dessus. Un certificat d'adoption.
Une heure après cette affreuse découverte, je les entend rentrer. Mes... parents. Les imposteurs. Clara n'est pas là. Je les entend et me précipite à leur rencontre. Je voulais des explications. Qu'ils ne m'ont jamais donné. Lui, il a essayé de me retirer le papier. Et pour la première fois, je lui ai tenu tête. Elle, elle baissait son regard vers le sol.
Et ce qui devait arriver arriva. Il cria, pour obtenir ce qu'il voulait. Le papier et ne jamais plus reparler de ce que je venais d'apprendre. Que j'oublie tout ça, que ce n'était rien. Sauf que je n'étais plus une enfant et que je refusais de laisser tomber. Je crevais de connaître la vérité, de l'entendre de leur bouche.
Après les cris, il m'attrapa par le bras, me donna une claque qui m'envoya valser jusqu'à la cheminée, si proche des flammes. Je me suis brûlé l'avant-bras dans les braises. Je n'ai rien senti, adrénaline aidant.
Mon coeur battait la chamade, je m'en souviens encore. Pourtant, je n'avais pas peur. Ou je ne la discernais pas au centre de cette colère si forte qui animait mes mots.
Il s'approcha de moi, pour reprendre ce papier, précieuse preuve que je n'étais pas leur enfant. Quitte à utiliser à nouveau la force. Je me souviens de cette joue qui m'élançait, je me souviens de mon coeur qui s'emballait d'un seul coup alors que je le voyais approcher. Alors, je fis la première chose qui me vint à l'esprit. Je me tourna et empoigna un tisonnier.
Et je l'ai menacé de ne pas approcher. Il ne m'a pas écoutée. Aussi borné que moi, toujours si dominateur, il continua d'approcher, menaçant. Son regard si noir que mon coeur semblait mourir à petit feu.
J'étais incapable de le frapper, paralysée. Je la sentais, cette fois, la peur. D'instinct, ma main vrilla les airs avec le tisonnier. Qui rata sa cible.
Mes yeux vert incapables de quitter ce regard sombre face à moi, mon bras s'arrêta. Et il s'avança. M'en décocha une autre. Une claque monumentale qui me brisa le nez. Ma tête vola, mes mains, de réflexe, lâchèrent le tisonnier, protégèrent mon visage de la vague de douleur qui déferla. Et l'homme face à moi commença à hurler, à m'insulter. Me criant de lui rendre ce papier, d'oublier tout ça et de remonter dans ma chambre.
Sauf que je ne voulais que le fuir, lui et ses violences. Je me souviens de la larme qui se mêla au sang. J'entend les cris de ma “mère“ qui revenait à l'instant dans la pièce, qui s'approcha de moi pour voir les dégâts de mon nez. Et quand je relevai la tête, nez ensanglanté, mon regard sombre de haine croisa celui de mon père.
Je me souviens avoir lancé le papier au visage de mon père avant de courir hors du salon, de me ruer dans le couloir, d'ouvrir la porte de la maison. Je me souviens m'être enfuie.
Je me souviens avoir couru dans la ville, si vite. Je me souviens m'être pris les pieds dans quelque chose, m'être relevée si vite. Je courrais pour ma vie. Je refusais de rentrer, de les revoir. Je ne suis pas des leur, pourquoi rester ? Je refuse qu'il me retouche.
Je me suis cachée sur le toit d'une maison pendant plusieurs jours, incapable de bouger. Et sur ce toit, j'ai pris une décision radicale. Jamais plus n'accorder ma confiance. Je serais mieux seule, je l'ai toujours été...
Et je me suis souvenue de quelqu'un, revenant irrémédiablement sur cette stupide et idiote décision de ne plus accorder ma confiance... Alors, il sera le seul à qui je ferais confiance. Quand aux autres, qu'ils se brossent. Je ne veux plus faire confiance. Hormis à cet homme, avec qui j'ai passé tant d'heures à parler, tant d'heures à partager via nos HCom. C'est comme si nous nous connaissions réellement. Le plus proche ami que je n'ai jamais eu. Alors lui, je lui fais confiance. Les autres non.
Celui qui m'a aidé, je l'ai appelé via mon HCom que je ne quitte jamais.
James m'a trouvé sur ce toit, affamée, brûlée au bras droit, le visage couvert de sang sec. Il m'a prise sans poser la moindre question, je n'ai rien dit. Adoptant le mutisme comme seule arme de défense.
James Jones. Trentenaire. Célibataire solitaire. Nous nous sommes connus via internet, les réseaux "underground" où j'ai commencé à trouver des informations sur le cryptage, le décryptage, toutes ces choses qui m'intriguent. Nous nous connaissons depuis plusieurs années. Un paquet d'années. Il est devenu mon plus proche ami, malgré la différence d'âge. Nous nous parlions à toutes les heures de la journée et de la nuit, nous savons tout de l'un et l'autre. Ou presque. Il a toujours ignoré pour mon père.
James est d'une bonté comme je n'ai jamais vue, d'une gentillesse sans pareille. J'étais sur mes gardes, persuadée que mes parents me retrouveraient. Je ne pouvais me permettre de sortir dehors... Et lorsqu'il me proposa de me ramener chez moi, je me suis affolée. Et il a compris ce que j'essayais de lui dire. J'ai dû prononcer mon premier mot, sortir de mon mutisme. Et lui expliquer la situation. Lui avouer la vérité, sur mon père. Sur tout.
Il a compris, m'a promis que jamais plus cet homme me toucherait. Il a falsifié un rapport d'incendie d'un bar, notant mon nom dans la liste des morts. Les recherches de la fugueuse que j'étais ont cessées.
Un homme bon. Le seul de ma vie.
J'ai vécu depuis ce jour chez lui, ne mettant pas le moindre pied dehors. Cloitrée entre quatre murs. James s'inquiétait. Et lorsqu'il se rendit compte que je m'intéressais à la technologie, à l'informatique et à toutes ces choses, il me proposa de m'apprendre. Et j'ai baissé ma garde. Petit à petit, je recommençais à parler, il ne me posa jamais de questions sur mon ancienne vie. J'ai mis tout mon temps sur l'apprentissage qu'il m'offrait.
James, informaticien de génie, m'apprit à manipuler les codes, à comprendre cette technologie qui m'attirait. Grâce à lui, je suis la hackeuse que je suis aujourd'hui.
Je suis restée avec lui le temps de sept longues années. Cheveux coupés aux épaules, je me suis teinte en rousse. Cette longue chevelure blonde, effacée. Et craintive de croiser ma famille dans la rue... Qu'ils me reconnaissent. Alors, en plus du changement de couleur et de coupe, je les bouclais. Même si je ne sortais plus. Mieux valait être prudent.
Sept ans. Sept ans d'apprentissage, jour après jour, sept ans de paix. Sept années à bouillir de l'intérieur, désireuse d'une vengeance brûlante. Désireuse de retrouver cette famille perdue. Cette famille qui m'avait abandonnée, connaître l'entière vérité. Je veux me venger. De ces personnes qui m'ont laissée aux mains d'une famille pareille... Aux mains de cet homme. Encore aujourd'hui, lorsque je regarde mon bras, je vois son visage. Et je me hais de ne pas avoir eu la force de le frapper au visage de ce tisonnier.
Alors, je veux me venger. C'est durant toutes ces années, durant lesquelles j'ai usé de toutes mes connaissances, pour trouver les informations qu'il me fallait. La technologie est mon amie. Et il me fallut quelques temps avant de trouver quelque chose.
J'ai eu, un jour, l'idée de rechercher un ADN similaire au mien. Pour ce faire j'ai hacké de nombreuses bases de données et finalement après de longue recherche un laboratoire médical a donné un nom. Hannabeth Alvarez. Visiblement l'ADN avait été enregistré au profit du tribunal la jugeant. Quelques recherches rapides et j'apprends que c'est une pirate graciée et devenue Corsaire.
Nous avons le même sang. Il me fallait la retrouver. Impérativement. Pour enfin comprendre. Répondre à mes questions. Me venger.
J'en parla à James, un soir. De cette envie de retrouver cette famille. Et il me confia qu'il connaissait quelqu'un qui pourrait m'aider à entrer dans la piraterie pour atteindre mon but. Ou en tout cas m'aider à entrer dans ce monde.
C'est ainsi que je rencontrai le contre-maître de la Palourde, un petit vaisseau pirate de petite envergure. James avait apparemment vendu mes mérites et je commençais à me demander s'il m'avait réellement dit la vérité sur ce qu'il faisait...
Au final, peu m'importait, j'étais engagée sur la Palourde en tant qu'assistante hacking aux côtés d'un homme grand et maigre aux larges lunettes trônant sur son petit nez.
Avec lui, j'appris davantage encore qu'aux côtés de James.
Mon premier vaisseau. Plus tard, je me suis engagée sur un second vaisseau, plus gros. Toujours en tant qu'assistante hacking. Par malheur, le hackeur en chef disparut un jour alors qu'il jouait aux cartes dans un bar. On ne le revoit plus, le vaisseau part sans lui. Je me retrouve seule hackeuse et au fur et à mesure des jours, le capitaine remarque que je me débrouille très bien seule. Je continue quelques années sous son commandement.
Puis, le troisième vaisseau. Et pas des moindres. Le vaisseau de Hannabeth Alvarez. Enfin.
Dans ce vaisseau, j'ai tenté d'en apprendre plus. Posant toujours des questions aux membres de l'équipage, me faisant passer pour une simple curieuse d'en apprendre plus sur son capitaine. Etait-elle ma soeur ? Nos âges sont si proches...
Et j'appris qu'elle était la fille d'Erszébeth Alvarez. Une célèbre pirate. Une histoire étrange me vint à l'oreille à propos d'une enfant perdue... Jezabel Alvarez, la soeur d'Hannabeth, a perdu un enfant.
Cette femme... Jezabel... Il me fallait l'approcher. Il me fallait l'approcher. Pourrais-je être cet enfant mort ?
C'est ainsi que je finis par intégrer l'équipage du Némésis. Depuis trois ans que j'y suis. Nouveau changement de couleur. Je passe du roux au rose.
Dès les premiers mois, je pose mes questions. Personne ne me répond vraiment. Ce n'est qu'au bout de la deuxième année que j'apprend ce que je crève de savoir. Un homme me raconte l'histoire du capitaine, celle de son enfant prématuré, mort. Et pour moi, ça ressemble à une mise en scène. J'en suis presque sûre, à présent....
Jezabel Alvarez est ma mère.
Il me faudra la confronter pour connaître l'entière vérité et effacer les quelques derniers doutes... »